Aller au contenu
Rosalie Lemay de Pretend Play: recycler la mode et provoquer par l’art du DIY
Crédit: François Rousseau

Ton Barbier a 5 ans. Pour souligner le tout, nous organisons «Gentleman Urbain», un défilé-spectacle unique le samedi 25 août 2018 à 21h30 à la Place des Arts sur la grande scène du Festival Mode et Design. Fiers de notre tradition qui est de mettre de l'avant des artistes, artisans et designers de mode locale et masculine, nous avons choisi 7 designers qui défileront pour l'occasion. Pour mettre ces créateurs de l'avant, nous les avons rencontrés dans leur atelier respectif.

Qui est Rosalie Lemay?

Je fais des affaires bizarres pour des gens exceptionnels sous forme de vêtement, de guenille, de props et d'items Fashion. Ma marque s'appelle Pretend Play.

Peux-tu nous présenter Pretend Play ?

Je mise sur le recyclage. Je fais du neuf avec du vieux pour redonner une seconde vie aux vêtements et à des trucs oubliés. 

Tout ce que tu utilises a déjà été utilisé avant ?

Environ 95% de mon matériel, oui. Ça ne m'inspire pas les objets neufs. Être un peintre, je n’utiliserais jamais une toile blanche. Un mur, peut-être plus. Quelque chose qui a déjà du vécu et de la personnalité, moi, c'est avec ça que j'aime travailler, c'est ça qui m'inspire. Tu me donnes un bout de tissus et parfois je ne sais même pas quoi faire avec. Par contre, s'il est vieux et a plein de trous dedans, alors là, j'ai des idées. 

Source : @pretendplay
Comment as-tu parti Pretend Play ?

Avant, j'étais Cool Koala. Mais Cool Koala, ça n'a jamais supposé être le nom, alors j'ai décidé de faire un rebranding pour être plus professionnel et pour être plus sérieuse dans ce projet. J'ai commencé par me faire du linge et des looks pour moi. Les gens aimaient ce que je faisais, alors certains ont commencé à me demander des pièces. C'est là que j'ai réalisé que je pourrais faire ça dans la vie et vendre mes pièces. Je savais déjà coudre sur la machine à ma mère, elle m'avait appris quand j'avais 16 ans. Parfois, je frappe un mur, parce que je n'ai pas nécessairement toute l'éducation qu'il faut dans ce milieu-là, mais quand ça arrive, je vais sur l'internet et je me débrouille. 

Donc, dès le départ, tu recyclais du linge ?

À la base, je ne viens pas d'un milieu très riche. Mon but, côté style, a toujours été d'être différente. En ayant peu d'argent, j'avais donc peu d'options. Mes seules options étaient, soit d'acheter du vintage pas cher dans des friperies et de refaire quelque chose avec, ou alors de le garder tel quel. Des pièces vintages, c'est plus rare que des pièces de chez Zara où ils font 5 millions d'exemplaires du même item. La deuxième option, si j'avais eu beaucoup d'argent, était d'acheter de grosses marques où me faire faire des trucs customs par quelqu'un. Puisque l'option deux n'était pas envisageable, car je n'avais pas d'argent, il ne me restait plus qu'à ramasser du vintage (rires).

Source : @pretendplay

C'était quoi le principal défi ?

Définitivement les shapes. Parce que dans les années 80 tout était fait très taille haute, c'était des mom fits. Je dois faire beaucoup de retouches pour que ça fit comme moi je l'aime. Après, chaque fois que je trouve quelque chose de vintage, pas seulement pour moi, mais pour d'autres gens aussi, je le ramasse, le retravaille et le vends.

Ça te permettait donc de trouver des marques haut de gamme ?

Oui, tout à fait. C'est sur qu'en plus, les grosses marques, ça attire toujours attention. Ça me permet aussi de faire un gros fuck you à l'humanité en prenant un sac Louis Vuitton à 5 000$ et en mettant les ciseaux dedans avec un gros marqueur rouge et d'écrire fuck you avec du sang autour. Tu le sais que les gens vont réagir. C'est juste un bien matériel. Je crée donc de l'art avec n'importe quoi.

Source : @pretendplay

Dirais-tu que chaque pièce est faite pour provoquer ?

Oui, c'est sur. Je veux sortir les gens de leur zone de confort à 100%. Je pense que tout le monde est tout le temps confortable ou s'arrange pour rester dans leur zone de confort. Ils s'arrangent pour rester dans un milieu qu'ils connaissent. Les gens ont peur d'être déstabilisés. Ils veulent juste vivre leurs petites vies en paix, mais la réalité c'est qu'il y a tellement de choses qui se passent autour d'eux. C'est important de toujours rester alertes, motivé et inspiré. Je pense qu'au travers des vêtements, je peux vraiment faire ça. Que ça choc du fait qu'on soit punk-rebel, que ça choque du fait qu'on est pauvre et qu'on a faim, ou que ça choque du fait qu'on a une conscience écologique, que la planète est en train de mourir et qu'on recycle tout en disant qu'il faut arrêter d'acheter dans des grandes surfaces, je pense qu'au milieu de tout ça, oui, je veux vraiment choquer. 

Fais-tu beaucoup de commandes custum ?

Ça m'arrive oui, mais en ce moment j'essaie d'en faire le moins possible, pour la simple et bonne raison que souvent ça met ma vision en jeu et ça me dérange. Je ne suis pas une couturière, je suis une artiste. Quand tu engages quelqu'un pour faire une toile, tu peux lui donner de vagues indications sur la palette de couleurs principale sur la toile, mais tu ne vas pas lui dire quoi peindre et où. Moi c'est la même chose. J'ai eu de mauvaises expériences alors maintenant, je fais ce qui me plait. De plus, comme je travaille avec ce que je trouve, c'est dur pour moi quand je me fais imposer une idée particulière de la respecter. Ça brise tout mon processus de création et je dois me forcer à trouver quelque chose qui fit. Je n’aime pas forcer les choses. En général, je préfère faire quelque chose que je feel. Parfois, ce n'est pas du tout cohérent et parfois, je fais des trucs tout noir ou tout coloré, donc en travaillant avec ce que je trouve, ce n’est pas toujours moi qui décide ce qui va m'inspirer.

Comment décrirais-tu ton projet en trois mots ?

Holy shit… pas facile. Disons ça : Holy shit, Fuck. Trois mots (rires).

Pretend Play est devenu un projet stable à partir de quand ?

Il y a quatre ans, à temps plein officiellement. J'ai travaillé dans les bars toute ma vie, pendant 15 ans. J'ai été bartender et ensuite j'ai dansé pendant 5 ans. J'allais avoir 30 ans bientôt et je ne voulais pas danser jusqu'à 40 ans, ce n'était pas moi. J'étais tanné de fiter dans un moule tout le temps : les faux cils, le tanning et être toujours conforme à un certain idéal de beauté, c'était tellement pas moi ! Même quand j'y repense, je comprends pas pourquoi j'ai fait ça. Même mon chum comprends pas pourquoi j'ai fait ça. C'est vraiment lui (Micheal Shantz @grimjob69) qui m'a poussé dans le cul à faire de l'art.

Un jour, j'ai donc tout arrêté et j'ai commencé plus sérieusement mon projet. Un de mes amis m'a offert un local et deux mois après j'avais une boutique que j'ai gardée huit mois au Centre-Ville. J'ai sauté à pieds joints dans l'aventure. Ce n’était peut-être pas la meilleure idée, mais j'ai beaucoup appris. Ensuite, j'ai été en burn-out pendant un an et demi et je n’ai pas fait grand-chose. J'ai tout le temps poussé mon projet pareil. Même aujourd'hui, c'est tellement instable et j'ai tout le temps faim, mais je ne me vois pas faire autre chose. 

Autant il y a des jours où je me sens tellement égocentrique de faire ça parce que j'ai ma famille et mes amis qui me soutiennent, autant il y a des journées où je me dis que je ne peux pas arrêter, parce qu'il n'y en a pas des comme moi. Si je ne fais pas ce que je suis faites pour faire dans la vie… y'a quelque chose qui va exploser et on va tous mourir (rires). 
 

Source : @pretendplay
Et ce serait quoi tes prochains projets ?

J'aimerais ça faire plus de vidéo ou de fashion film. Je cherche des gens pour collaborer. J'ai mille et un outfit et accessoires qui méritent juste un peu plus d'exposure. J'ai aussi endless friends qui dansent et qui font de beaux mouvements, il ne manque plus qu'un vidéaste pour capturer le tout. En ce moment je me concentre donc là-dessus. Je trouve qu'une image ne représente pas entièrement une pièce de vêtement. Ça manque de mouvement et de oumf.

Instagram de Rosalie Lemay @startpretending
Instagram de Pretend Play @pretend.play
Site web : etsy.com/shop/startpretending

Plus de contenu