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Ivresse, un texte choc et magnifique sur l’incapacité à rejoindre l’autre
Crédit: Rachel et Michel

Mercredi soir Montréal. Premier arrêt au Majestique rue Saint-Laurent pour l'apéro et manger un peu. Ensuite direction Théâtre La Chapelle plus bas rue Saint-Dominique pour la première d'Ivresse des Productions Quitte ou Double, pièce de l'écrivain contemporain Falk Richter mise en scène par Mireille Camier. On en est sorti marqués et enthousiastes, avec l'envie de discuter de notre expérience toute la nuit. Retour obligé au Majestique donc.

L'économie des relations
J'ai rencontré Mireille Camier au Café Cherrier la semaine dernière pour qu'elle me parle de la pièce et de son histoire. Trente minutes plus tard, j'ai des tonnes de notes, et très hâte d'assister à la première représentation. 

Le texte de l'auteur allemand contemporain Falk Richter a été traduit pour le Québec par Jean-François Boisvenue, et l'adaptation est exceptionnellement réussite. Cette traduction à permis de faire ressortir le côté humoristique m'expliquait Mireille Camier. Le texte semble servir de canevas aux acteurs qui se l'approprie en y ajoutant leur propre questionnement, ajoutant encore plus de texture à ce qui est rendu au spectateur. Les textes de Richter sont peu montés au Québec, et malgré que l'écriture d'Ivresse remonte à 2012 le propos ne pourrait être plus actuel. On y dénonce la contamination de toutes les sphères sociales par un système économique et politique pourri et nuisible. Combien de likes cette relation peut-elle m'apporter? Est-ce que ce placement émotionnel en vaut la peine? Quel est son rendement à court terme? L'intime est influencé par notre système économique, les deux autant factices et précaires qu'un filtre snapchat.

Crédit : Rachel et Michel

Le propos
L'expérience d'Ivresse est immersive. Le public fait partie intégrante de la représentation. La pièce conteste avec justesse et lucidité notre façon d'entrer en relation avec l'autre et avec l'amour, à l'ère des filtres instagrams et des statuts Facebook.

« Enlève pas tout ce qu’y a de beau chez toi, dans notre propre vie,
pour le mettre sur Facebook, s’il-te-plait, laisse quelques moments ici,
dans le monde «off-line» avec moi. »

Combler le vide
La relation entre notre obsession des écrans et le vide que créer notre quête de tendresse éphémère est présente tout au long de la pièce. Le rendu technique est particulièrement réussi, notamment les projections en direct sur deux grandes toiles qui, en quelque sorte, augmente le réel de l'action. Chaque acteur intervient en live sur les projections en y ajoutant des filtres qui magnifient l'action, parce que le réel ne suffit plus face aux plateformes de mise en scène de soi-même. La structure de la pièce semble être une entité organique, bonifiée par la participation du public. La relation acteur et spectateur est intime et riche, à l'image d'une relation de couple, dans une dynamique demande d'attention versus le besoin de vivre une expérience. Le spectateur prend part à cette recherche d'une intimité authentique non formatée, et c'est là une des grandes forces de cette production.

On y retourne
C'est le genre de soirée qui vient changer les choses et déranger un peu notre confort émotionnel. La présence de Alexis Lefebvre est remarquable, et mention honorable aux interludes musicales du personnage de Catherine-Audrey Lachapelle. La scène de thérapie de couple est particulièrement réussit et absurde, portée à merveille par Nicolas Labelle (le thérapeute) et Sarianne Cormier.

Si ça vous dit d'encourager le théâtre d'ici tout en passant la meilleure soirée de votre mois de mars en buvant du bon vin, les Productions Quitte ou Double organisent une soirée-bénéfice présidée par Sophie Cadieux et Henri Chassé, et la page de l'événement est ici!

Théâtre La Chapelle, 3700 rue St-Dominique
8 au 17 mars 2016 à 20 h, samedi 18 mars 16h, discussions avec le public le vendredi 17 mars.
Billetterie : 514 843 7738 |
Prix du billet : régulier 30 $
Tarif réduit 25 $ (étudiants, 30 ans et moins, ainés, artistes).

Crédit : Rachel et Michel
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