Pour éviter l’angoisse et la torture psychologique que représente pour moi le magasinage du temps des fêtes, j’ai depuis quelques années pris l’habitude d’offrir des livres à mes proches. C’est un objet généralement original et plein d’idées qui, s’il n’est pas lu, peut servir d’ornement à table à café, ou bien garnir vos bibliothèques. Et même, à la rigueur, être offert à nouveau comme présent à quelqu’un d’autre. Il est parfois difficile de naviguer parmi l’offre assez abondante disponible dans nos librairies, et nous avons donc dressé pour notre lectorat un petit palmarès de nos coups de cœur les plus récents.
Tout ce qu’on ne te dira pas, Mongo – Dany Laferrière
Il est toujours réjouissant de voir un nouveau Laferrière garnir les tablettes d’une librairie, et plus encore depuis qu’il a été admis à l’Académie Française – ses prestigieuses obligations lui laissant indubitablement moins de temps pour écrire. Il y a toujours eu une grande part de vécu dans les livres de l’auteur, et son propre personnage finit souvent par transcender la fiction. Il nous propose ici une conversation entre un jeune immigrant et un homme qui connaît le Québec depuis longtemps, et le véritable thème du livre, c’est notre société. Et cette conversation dont nous sommes le sujet nous permet de voir la forêt au grand complet, plutôt que l’arbre sur lequel nos yeux sont habituellement fixés.
304 pages, paru chez Mémoire d’encrier
Montréal Toujours – Melissa Maya Falkenberg
Une recension sensible et intelligente des lieux inusités de Montréal, compilée par une auteure avide de culture dont la passion se ressent dans les moindres lignes? C’est ça, et encore plus. Falkenberg a inlassablement arpenté la ville et visité des valeurs sûres comme Orange Julep, la Salsathèque, Chez Ménick… Il y a des photos très colorées et une multitude d’informations intéressantes à propos de chacun des trente lieux, et si vous croyez bien connaître votre ville, détrompez-vous – il y a ici probablement des découvertes même pour les plus curieux d’entre vous! Un bel objet à offrir en cadeau, à vos proches ou à vous-même.
162 pages, paru aux Éditions Les Malins
L’autre reflet – Patrick Sénécal
Après Faims l’an dernier, dont l’action était campée dans un cirque, Sénécal nous revient avec un nouveau thriller qui se déroule dans le milieu littéraire québécois, et qui en fera sans doute sourire plus d’un. Michael Walec, un écrivain en herbe assez médiocre, se trouve inspiré par une détenue sociopathe à qui il enseigne, et les descriptions très réalistes des scènes de violence de son premier roman le consacrent « roi du thriller » au Québec. Sa chute sera d’autant plus dure lorsqu’il ne disposera plus d’elle comme muse, et que ses parutions ultérieures seront boudées par la critique. C’est une variation plausible et actuelle du mythe de Faust, à la sauce Sénécal, avec de délicieuses surprises et un climat étouffant qui rappelle ses premières œuvres.
431 pages, paru chez les Éditions Alire
Cartographies 1 – Couronne Sud – Divers auteurs
L’idée de ce recueil est excellente : investir la banlieue et y camper un récit. Dans ce premier volet, cinq auteurs qui habitent la rive sud – ou qui y sont nés – proposent une nouvelle à la thématique entièrement libre de contraintes. On y retrouve des textes de Annie Dulong, Nicholas Dawson, Mathieu Leroux, Guillaume Bourque et Éric Godin, qui révèlent leur lot de surprises narratives et stylistiques, qui améliorent certaines de nos notions géographiques hors de l’île, et qui nous mettent en appétit pour le deuxième tome (à paraître), qui portera sur la rive nord.
186 pages, paru chez La Mèche
Le deuil tardif des camélias – Daniel Leblanc-Poirier
Qualifié de « portrait décapant d’une génération nihiliste », ce deuxième roman du jeune poète de Gatineau s’intéresse au vide intérieur d’une génération éduquée davantage par l’internet que par ses parents. Aux jeunes adultes qui flottent hors du domicile familial pour faire leurs premiers pas (malhabiles) dans l’âge adulte. Un récit volontairement abrasif qui devrait être déprimant, mais dans lequel on décèle une frappante beauté linguistique.
130 pages, paru aux Éditions de l’Interligne
Santa – Hélène Vachon
La prémisse de ce récit est parfaite pour le temps des fêtes; une retraitée de 71 ans au jeune cœur est recrutée par son ami inspecteur, pour se déguiser en Père Noël et enquêter sur une série de vols dans un centre d’achat. La jaquette est de circonstance, évoquant une appétissante canne de Noël littéraire, et l’auteure et son éditeur se sont associés avec les Banques alimentaires du Québec, et leur remettront 5$ par exemplaire vendu. Un très beau geste pour les moins nantis, propulsé par un récit plein d’humanité.
142 pages, paru chez Alto
Royal – Jean-Philippe Baril Guérard
Ce roman est l’un des plus incisifs de la saison, et a la particularité de présenter les aventures d’un personnage tout à fait antipathique. Le rythme et le phrasé de l’auteur font en sorte qu’il est assez difficile d’en quitter la lecture, et son admiration délibérée pour American Psycho, de Brett Easton Ellis, en fait une sorte de version québécoise, violence en moins. L’antihéros est un élitiste manipulateur qui étudie en droit, et qui est prêt à tout pour briller, et obtenir un stage prestigieux armé de cynisme, de drogues diverses et de coup bas. Un brillant portrait d’un non moins brillant sociopathe.
287 pages, paru aux Éditions Ta Mère
Pépins de réalité – Michel Vézina
Objet littéraire hybride, entre roman, essai, récit et poésie, ce livre de Michel Vézina poursuit sa longue réflexion sur la littérature, un art auquel il a consacré presque toute sa vie. Il y raconte l’aventure du Buvard, un camion-librairie avec lequel il sillonne les Cantons de l’Est chaque été. Punk depuis toujours, Vézina n’y va pas de main morte dans son constat sur les auteurs contemporains. Selon lui (et l’auteur de cet article), les écrivains sont devenus trop sages et conformes. Les idées fusent ici de partout et forment la genèse d’une vision du monde colorée et singulière, qui célèbre l’écriture avec irrévérence.
272 pages, paru chez Tête Première
Johana Laurençon |