Le whisky canadien Crown Royal nommé meilleur whisky au monde, coup de coeur ou coup de pub?
Raphaël De GaspardLa nouvelle cuvée Crown Royal Northern Harvest Rye vient d'être nommée meilleur whisky au monde par l'une des publications les plus vendues et les plus contestées sur le sujet, la Whiskey Bible de Jim Murray. La petite histoire nous raconte que la première cuvée de Crown Royal fut produite en 1939 pour la visite au Canada du roi George VI d'Angleterre et de sa femme, la charmante reine Élisabeth. Le Northern Harvest Rye a été choisi pour sa beauté unique et son absence de compromis. Je reviens là-dessus plus tard.
Ce whisky canadien fait partie des produits issus de la distillerie Gimli au Manitoba, qui appartient à un des géants de l'industrie. Celui-ci en écoule plus de 5 millions de caisses par année.
L'homme derrière la controverse
La controverse fait partie de la marque de commerce de Jim Murray, qui a su fonder un empire autour de sa passion pour les whiskies. L'an dernier, il nommait le whisky japonais Yamazaki Sherry Oak meilleur au monde, déclassant les réputés scotch écossais.
Dans l'édition 2015 de son guide, il n'y a aucun whisky écossais dans le top 10, et on retrouve à la première place une bouteille produite au Canada et vendue pour 30$. C'est ce qu'on appelle jeter de l'huile sur le feu! Selon Murray, les meilleurs whiskys ne sont plus produits en Écosse, mais au Kentucky, et cette année au Canada. Une des différences est le processus de maturation. Alors qu'en Écosse il est courant de traiter les barriques avec des chandelles de soufre et d'ajouter un colorant caramel au produit, au Kentucky ce sont plutôt les fûts de chêne neufs qui sont utilisés.
Selon la plupart des experts, la différence n'est pas significative. Pour alimenter la controverse, Jim Murray est aussi réputé pour avoir donné des notes élevées à des whiskies qu'il aurait lui-même élaboré. Il aurait également donné des notes de dégustations divergeantes pour un même whisky vendu sous trois noms différents.
Notes de dégustation
Selon Jim Murray, Le Crown Royal Northern Harvest Rye est absent de compromis. Selon moi, ce sont les petites distilleries artisanales qui ne font pas de compromis afin de rendre compte du terroir qui a vu naître leur whisky. Ici, on est face à une production industrielle conçue d'abord pour plaire, exempte de caractère distinctif. Lors de la dégustation, on remarque un produit conservateur, avec une bonne présence des grains utilisés dans sa fabrication. Bouche légèrement épicée, notes de vanilles et de butterscotch. On est à des années-lumières de la complexité des produits de distillerie comme Bruichladdich dont je vous parlais plus tôt cet automne.
L'influence d'un tel guide, sur les ventes d'un produit appartenant à un géant de l'industrie des spiritueux juste avant les fêtes, est considérable. Plusieurs points de vente à travers le Canada sont déjà en rupture de stock, l'impact est donc bien réel.
L'avantage des guides et des tops 10 sur des sujets que nous connaissons moins est de nous faire découvrir des produits originaux et accessibles, non d'orienter les ventes en se servant d'une personne d'influence. Pour des découvertes je vous conseille plutôt le groupe Whisky Montréal. Cet organisme à but non lucratif organise des formations et dégustations, en plus de rendre compte des nouveaux produits sur le marché.
Et avant d'acheter une bouteille, allez donc faire un tour dans un bar à scotch si vous avez besoin de savoir ce que vous aimez. Avec plus de 300 whiskies, je te conseille le Pub Burgundy Lion au 2496 Notre-Dame Ouest. Ambiance de pub festif garanti!