La rentrée littéraire commençait au compte-gouttes il y a quelques semaines, et atteindra son paroxysme en septembre. Il y a toutefois quelques titres qui ont retenu notre attention dans l’offre du mois d’août; des auteur(e)s établi(e)s qui reviennent avec une nouvelle œuvre, des underdogs sur le point d’être reconnus à leur juste valeur, et beaucoup de nouveaux talents, entre autres. Bonne lecture!
Les villes de papier de Dominique Fortier (Alto)
Inspirée par la vie quasi-monastique de la poétesse américaine Emily Dickinson, Fortier nous offre ici un récit tout en douceur, une biographie romanesque qui se déguste comme un chocolat fin, une tapisserie des petits moments routiniers et répétitifs d’une vie consacrée à l’écriture. Dickinson écrivait par nécessité, ni pour elle ni dans le but d’être éventuellement éditée, et cette vie simple et pure est ici magnifiquement suggérée.
Mère d’invention de Clara Dupuis-Morency (Triptyque)
Aborder la maternité d’une façon originale, est-ce encore possible? La réponse vous surprendra, et elle se trouve quelque part au cœur de ce récit à la prose vertigineuse et ensorcelante, écrit par une spécialiste de Proust qui porte aux mots un véritable amour. À la fois un livre qui célèbre la vie à venir en remettant en question plusieurs concepts établis, c’est aussi un examen du paysage actuel de l’autofiction, et une expérience de lecture saisissante.
Le théâtre de Dieu de France Théorêt (Leméac)
De retour chez Leméac après un bref détour par La Peuplade, France Théoret nous parle ici, avec toute la maîtrise qui la distingue, de l’omniprésence de la religion catholique dans les familles des années ’50 au Québec. La jeune narratrice du roman se demande si elle a la foi, et la perspective féministe de l’auteure enrobe ce débat dans des considérations très actuelles.
À quelle heure on meurt? de Réjean Ducharme & Martin Faucher (Triptyque)
Ce collage théâtral, composé de fragments choisis de l’œuvre de Ducharme, a originalement été créé en 1989 par Martin Faucher, et présenté à l’Espace Go, puis repris au Théâtre Denise-Pelletier en 2013. Il y est question de cette jeunesse qu’on idéalise et dont on croit perdre des morceaux en passant à l’âge adulte, et c’est un texte sans âge qui vieillit merveilleusement bien.
Mina parmi les ombres d’Edem Awumey (Boréal)
Un roman qui dresse le portrait bigarré d’un pays africain sans nom, où retourne Kerim après vingt ans, à la recherche d’une ancienne amoureuse dont il est sans nouvelles. Une lente enquête pour la retrouver, le choc du retour, la précision des personnages qui prennent vie sous les mots vivants et dansants de la prose lyrique d’un auteur originaire du Togo, qui tisse au Québec une œuvre rien de moins que fascinante.
Les étrangères de Lucie Lachapelle (XYZ)
Dans le nouveau roman de Lucie Lachapelle, une habituée chez XYZ, une femme qui fuit sa Gaspésie natale avec son enfant se retrouve à habiter dans un immeuble peuplé de personnages couvant divers secrets, plus ou moins avouables, dans un secteur défavorisé de la métropole. C’est une oeuvre qui célèbre la solidarité et le bon voisinage, et qui met en scène une dynamique d’intégration fascinante à observer.
Petit manuel des amours toxiques de Véronique Papineau (Leméac)
Deuxième roman de l’auteure, reconnue pour sa lucidité amusée et amusante, ce manuel nous raconte la lente désintégration d’un couple à la dynamique amoureuse assez malsaine. Adultères, soumission, anxiété, l’alcool comme béquille, un tourbillon de petits problèmes et une abracadabrante relation toxique : c’est pas parce qu’on rit que c’est drôle.
L’homme-canon de Judy Quinn (Leméac)
Judy Quinn a un certain talent pour trouver des titres percutants à ses œuvres, et ce troisième roman n’échappe pas à la tendance. L’œuvre semble très personnelle et met en scène la relation entre une jeune fille et son père plus grand que nature, un homme impulsif et probablement immortel dont la superbe est magnifiée par les yeux de sa progéniture. Son père est probablement plus fort que le vôtre.
Quatre Mélanie et demie de Justin Laramée (Québec Amérique)
Qui aurait cru pouvoir un jour déguster une œuvre du talentueux acteur et metteur en scène, dans la collection La Shop de Stéphane Dompierre en plus? Annoncé comme un hybride entre roman, nouvelle et poésie, le livre rassemble quatre monologues, qui font le portrait de quatre femmes qui vivent des mésaventures improbables et inventives, dignes du vif esprit de l’auteur.
Décoloniser le Canada – Cinquante ans de militantisme autochtone d’Arthur Manuel & Grand Chef Ronald M. Derrickson (Écosociété)
Les plus perspicaces de nos lecteurs constateront que ce titre fait ici figure d’intrus, car il n’est pas québécois. Cependant, sa pertinence est telle que nous faisons une (rare) exception. Collaboration entre deux grands défenseurs des droits des Premières Nations, avec deux préfaces – Alexandre Bacon et Naomi Klein, rien que ça – qui nous fait la chronique d’une cinquantaine d’années de luttes et de conscientisation, le livre nous rappelle tout le chemin parcouru depuis les années ’70, et surtout le chemin qu’il nous reste à parcourir dans les prochaines années, afin que les nations autochtones, leurs droits et leur culture soient reconnus à leur juste valeur.
L’art de la chute dirigé par Jean-Philippe Joubert (L’instant même)
Cette pièce, qui sera présentée au Théâtre La Licorne du 11 au 29 septembre, a été écrite par de nombreuses mains, et parle d’une façon plutôt originale de la chute des Lehman Brothers, un sujet qui s’est étrangement retrouvé au cœur de plusieurs œuvres depuis quelques mois, pour son 10e anniversaire. Il y est question d’une incursion un peu tordue dans le milieu des collectionneurs d’art de Londres, et la création a déjà ses preuves l’an dernier au Théâtre Périscope de Québec.
Thelma, Louise & moi de Martine Delvaux (Héliotrope)
Librement inspiré du film culte de Ridley Scott, qui date de 1991 – ça ne nous rajeunit guère – et imprégné de l’unique perspective de Martine Delvaux, ce roman revient sur la jeune femme qu’était l’auteure lorsqu’elle visionna l’œuvre pour la première fois, à l’âge de 21 ans. Un road trip contemplatif et nostalgique, marqué par la grande sensibilité de Delvaux.
Ennemi public d’Olivier Choinière (Leméac)
Créée au Théâtre d’Aujourd’hui en 2015, cette pièce incontournable d’Olivier Choinière a marqué à peu près tous ceux qui l’ont vue. Structuré autour d’une réunion de famille, dont les membres sont majoritairement de rigoureux intellectuels, le récit devient une critique virulente de la société, avec les répliques bien ciselées, bourrées d’humour et de références hétéroclites, dont l’auteur a le secret.
Archives de la joie – Petit traité de métaphysique animale de Jean-François Beauchemin (Québec Amérique)
Presque chaque année, depuis presque vingt ans, on a droit à une œuvre de l’incontournable auteur. Cette série de soixante-six petits textes mélange souvenirs, observations et coups de cœur, avec toute la maîtrise de la langue qu’on lui connaît, s’attarde souvent aux animaux et à la nature, et constitue une parfaite lecture de chevet pour s’endormir l’esprit tranquille et rempli de douceur.
La chasse aux autres de Thomas O. St-Pierre (Leméac)
Troisième roman de ce professeur de philosophie reconverti en traducteur, ce récit résolument actuel met en scène des personnages qui vivent dans une constante mise en scène de leur vie, appliquant une distance ironique à chacun de leurs gestes, et n’étant absolument pas à l’écoute des autres. Il y est question, entre autres, d’un blogueur masculiniste et d’une étudiante en arts, et des cruelles ramifications de la spontanéité.
Sainte-Souleur – Récits du presque pays de François Racine (Québec Amérique)
Après sa trilogie composée des romans Truculence, Tabagie et Turbide, Racine nous offre quelque chose d’à la fois semblable et différent. Un peu comme l’avait fait Bryan Perro en 1997 avec Contes cornus, légendes fourchues [NDA – Perro était mon professeur de théâtre au Cégep de Shawinigan, et j’avais dû acheter son recueil], il revisite sept légendes québécoises, dont certaines remontent très loin dans le temps, pour célébrer notre patrimoine oral. Autre particularité plutôt réjouissante du recueil : chaque histoire est écrite dans un style inspiré d’un(e) auteur(e) ayant marqué la littérature québécoise.
René Lévesque et le monde sous la direction de Guy Lachapelle (VLB)
S’il y a bien un politicien qui a su rallier la ferveur du peuple, et dont on parle encore plus de trente ans après sa mort, c’est bien René Lévesque. En se basant sur ses multiples opinions et analyses émises au fil des ans dans ses multiples rôles de journaliste, chroniqueur et, bien sûr, homme d’état, les collaborateurs de cet ouvrage dressent un portrait de son ouverture sur le monde et de sa diplomatie.