Il y a quelques semaines, j'ai vécu une expérience figurant probablement sur la liste des moments les plus traumatisants de ma vie. Mon copain et moi, par un agréable samedi soir d'avril, sommes passés à un doigt de déclencher un incendie dans sa maison, et croyez-moi lorsque je vous dit qu'il ne s'agit pas d'une exagération.
Véritables chefs cuisto lorsque nous sommes laissés à nous-même, cela faisait quelques temps que nous avions envie de nous faire de la poutine maison et nous avons décidé que ce soir-là était le bon. Après avoir consulté quelques recettes pour obtenir la frite parfaite et la meilleure sauce végétarienne possible, nous avons fait un tour à l'épicerie pour nous procurer patates, fromage en grain et autres ingrédients nécessaires à la préparation de notre festin, puis nous étions prêts à nous lancer.
Une bonne heure et deux bloody caesar devaient s'être écoulés lorsque nous en avions fini avec l'épluchage des patates et la préparation de la sauce. Nous étions rendus à l'étape cruciale et redoutante qu'est celle de la transformation des pommes de terre en frites – étape pour laquelle le stress ressenti était décuplé par le fait que nous n'avions pas de friteuse, mais c'est tout de même confiants que nous nous sommes lancés dans la cuisson. Il importe ici de préciser que nous avions bien pris le temps de lire que les risques d'éclaboussure d'huile étaient à considérer si nous utilisions un chaudron. Nous avons donc pris soin de ne pas remplir celui-ci au plus d'un tiers, question d'éviter des dégâts. Notre recette nous disait de faire cuire les pommes de terre dans une huile à 325F, alors nous avons vaqué à d'autres occupations en attendant qu'elle chauffe.
Le problème, c'est que nous n'avions pas de thermomètre et que ni lui ni moi ne savait comment reconnaitre une huile bouillante. Plus précisément, nous pensions que lorsqu'elle atteindrait son point d'ébullition, elle se mettrait à faire des bulles comme le fait l'eau. C'est ainsi que nous avons innocemment fait bouillir notre huile jusqu'à ce qu'elle atteigne une température tournant probablement autour du triple de celle qu'elle devait avoir, attendant de voir apparaitre des bulles qui ne venaient jamais. Un autre problème était aussi que nous n'avions pas exactement pris conscience de la technique et de la maîtrise nécessaire à la cuisson de frites, et nous avions omis certains détails importants comme celui de retirer l'eau des patates avant de les plonger dans l'huile.
Résultat, à la seconde où les pommes de terre sont entrées en contact avec l'huile, une explosion monstrueuse a retenti dans le chaudron et ça n'a pas pris 20 secondes avant qu'un feu immense prenne sur la cuisinière. Les flammes étaient si hautes qu'elles touchaient la hotte, et si larges qu'elles auraient facilement pu dévorer les armoires qui entouraient notre espace de travail si elles n'avaient pas été éteintes rapidement. Mon chum a jetté un peu d'eau sur le feu : mauvaise idée, il n'a fait que prendre de l'ampleur.
J'ai crié et ensuite complètement figé, puis je me suis souvenue de la boîte de petite vache qui trainait sur le comptoir, justement dans l'éventualité où l'huile s'enflammerait. J'en ai déversé tout le contenu dans le chaudron et c'est seulement lorsque les dernières pincées de poudre furent tombées que le feu s'est éteint. Évidemment, les effets du bicarbonate de soude se sont rapidement manifestés : l'huile encore chaude s'est mise à monter et monter, jusqu'au point de déborder du chaudron et de se répendre partout sur la cuisinière, puis sur le plancher. Pendant ce temps, le détecteur de fumée s'était déclenché et toutes les pièces de la grande maison de mon copain se remplissait de fumée à vue d'oeil.
Après quelques « Félix, ça déborde et je sais pas quoi faire » désemparés, mon chum a finalement lâché le détecteur de fumée qu'il tentait en vain de faire arrêter de sonner pour venir m'aider avec le chaudron, dont le contenu se déversait comme un volcan en pleine éruption. À ce moment là, j'étais encore figée sur place, tremblante et sur le bord des larmes. Ça m'a d'ailleurs pris une bonne heure avant de complètement de remettre de mes émotions. Une bonne heure aussi pour tout nettoyer le bordel que nous venions de faire dans la cuisine, avec l'huile qui dégouttait dans les tiroirs.
Notre super poutine maison, elle s'est finalement réduite à une assiette de sel et de gras de chez Benny. Pendant qu'on savourait notre échec culinaire et qu'on assimilait le fait qu'on venait de passer à deux doigts de faire brûler la maison, les ingrédients de notre sauce végé attendaient encore sagement sur le comptoir. Cette nuit-là, j'ai fait un cauchemar dans lequel ma belle-mère m'interdisait de remettre les peids chez elle.
En racontant ma mésaventure à mon père, quelques jours plus tard, celui-ci m'a appris que nous avions été chanceux en maudit que la ventilation de la hotte n'ait pas été activée, parce que lorsque c'est le cas, le feu entre par les conduits et c'est comme ça que les gens déclenchent des incendies dans leur maison. Alors si jamais un feu prend sur votre cuisinière, il est impératif que vous sachiez ceci et que vous éteignez votre ventilation au plus vite !
Comme je le disais en début de texte, j'ai vécu ce soir là l'un des moments les plus traumatisants de ma vie. J'imagine que c'est ça aussi, apprendre à être adulte.