L'univers pléthorique de la mode tourbillonne sur lui-même sans jamais démontrer signe d'essoufflement. Les collections se chevauchent au rythme effréné des demi-saisons et les styles s'invitent et s'évanouissent sans faire de cas.
Dans cette jungle d'effervescences et d'offres incessantes, des modèles classiques résistent toutefois à l’épreuve du temps et leur popularité ne s’effrite pas sous la pression angoissante du dernier cri. Dans l'exubérant monde de la chaussure, on compte quelques véritables pyramides indémodables qui transcendent la volatilité des courants; les Air Force One de Nike, la botte en cuir noir de Doc Martens, le Old Skool de Vans, le Stan Smith d’Adidas, les Chuck Taylor All-Stars de Converse. Tout en se nourrissant d'influences diverses, chaque modèle possède son récit et son expression identitaire propre. Par son histoire et son ancienneté, force est d'admettre que les Chuck Taylor All-Stars sont dans une classe à part.
Les Chuck Taylor All-Stars : une classe à part.
Facilement identifiable, le modèle de Converse dévoile un charme indéniable, après tout, c’est le soulier dans sa plus simple expression. Un morceau de caoutchouc recouvert d’une toile proposant un canevas épuré et ouvert à la créativité. De plus, c'est une chaussure endurante, confortable et à l’esthétique reconnaissable au premier regard : semelle blanche, tissus colorés, bout blanc et lacets blancs et logo étoilé sur le côté intérieur. Bref, un design original et utilitaire qui semble à l'abri des rides.
Pour faire un peu d'histoire, les Chuck Taylor All-Stars sont issus de l’entreprise Converse Rubber shoe Company qui a fêté ses 100 ans cette année. Née en 1917 dans une petite ville de la Nouvelle-Angleterre. En 1922, la vedette de basketball, Charles Taylor, propose à l'entreprise d’améliorer le modèle initial afin de réduire ses douleurs d'après-match. Sa plus célèbre modification est l'élévation de la toile pour mieux soutenir la cheville, expliquant le logo circulaire à cet endroit. Il quitte alors le monde du basket pour devenir représentant de la chaussure. Il s’agit d'ailleurs de la première paire de souliers s'appuyant sur la popularité d’un sportif.
La qualité du modèle était indéniable et il s'est rapidement répandu dans différents milieux sportifs. Des Olympiens ont gagné des médailles avec des Converses aux pieds tandis que les militaires l'utilisaient pour s'entraîner au moment de la Seconde Guerre mondiale. Durant les années 60, près de 80% du marché des souliers de sport était occupé par ce modèle.
En 1962, la vedette des Warriors de Philadelphie, Wilt Chamberlain, a compté 100 points dans une partie de basketball avec une paire de Chucks. C'est à cette même époque que la création devient la première paire de souliers athlétiques à s’immiscer en profondeur dans le quotidien de la population. Relativement peu dispendieux, le modèle se colorise et joua un rôle marquant dans l'identité vestimentaire tant adolescente qu'ouvrière. Ce n'est qu'autour de la fin des années 70 que le soulier destiné au basketball est remplacé par des modèles plus récents et performants. Sa popularité sur le court aura duré près de cinq décennies.
En dépit de son remplacement dans le domaine sportif, la chaussure étoilée est devenue au fil des années un symbole irremplaçable de l’Amérique. D’Elvis Presley aux Harlem Globe-Trotters en passant par Rocky Balboa grimpant ses fameuses marches, les années se sont écoulées et le modèle a migré vers diverses sous-cultures ayant accompagnés les époques; hippies, rockers, punks, skinheads, skateboarders, rappeurs, cholos, gothiques, métalleux, hipsters, etc. À l'instar du blouson de cuir noir, c’est un morceau polyidentitaire qui n’a pratiquement pas changé depuis son invention.
Le soulier fut produit aux États-Unis jusqu’au début des années 2000 lorsque l’entreprise a connu de graves problèmes financiers et se délocalisa vers des manufactures d'Asie du Sud-Est. Les paires "Made in America" sont vite devenues des pièces de collection. Achetés 309 M $ en 2003 par le géant Nike, la popularité de jadis a retrouvé de son aplomb et leurs revenus annuels dépassent dorénavant les 2 milliards de dollars.
Aujourd’hui, tout un marché périphérique gravite autour du mythique soulier. Des livres et des études y sont consacrés, des collectionneurs possèdent des centaines de paires, les répliques sont omniprésentes, des collaborations avec des maisons de haute-couture sont dévoilées en sortie restreinte, sans oublier une diversification des modèles plus utilitaires à vocation imperméable ou hivernale. Du powerlifter à Snoop Doggy Dogg, la popularité du Chuck Taylor All-Stars a également énormément joué sur son image d'icône dans la culture populaire avec plus de 800 apparitions filmiques. Un site web s'est même dédié à la tâche de les répertorier.
Après avoir connu un immense succès dans le monde sportif, le soulier est vendu dans plus de 160 pays et destiné à tous les âges et toutes les classes sociales. Il est l'un des reflets immuables du cool et envoûte encore à ce jour par son élégance casual. La simplicité du design ne changera d'ailleurs jamais, c'est l'image véhiculée qui se déguise au gré des générations. Leur dernière pub promeut d'ailleurs une jeunesse baroque imbibée par la culture alternative. Exemple prenant de la voracité publicitaire allant toujours forer un peu plus loin dans la marge pour vendre ses produits à la masse.
Il y a de cela environ deux ans, Converse a drastiquement amélioré son modèle de Chuck Taylor en lui ajourant des nouveautés technologiques au célèbre sneaker. Plus de confort et plus de flexibilité son de mise avec une semelle améliorée et intégrant la technologie de Nike. La languette qui avait coutume de se ramasser dans le fond du soulier est désormais mieux en place g^race à deux petites courraient, le tissu est renforcé, de même que les oeillets des lacets. C'est une deuxième vie et un confort renouvelé que les inconditionnels de Converse ont désormais droit.