Après une belle petite pause estivale, la rentrée littéraire arrive à nos portes et on peut vous assurer que chacun y trouvera son compte. Plusieurs livres très attendus sont enfin édités, des maisons émergentes cimentent leur place sur la scène littéraire, et une multitude de premières œuvres d’une qualité ahurissante sont disponibles. On vous comprend si vous ne vous y retrouvez pas, et on a effectué un petit tri pour vous aider à faire vos choix.
Borealium tremens
Mathieu Villeneuve
La Peuplade
Nous n’avons vraisemblablement pas fini d’être surpris, saison après saison, par les chicoutimiens de La Peuplade. On nous propose ici une première œuvre délirante, un roman de la terre revisité au parfum d’essence, de bois brûlé et de cocaïne. David, anti-héros dépressif et rarement sobre, hérite de la « Maison brûlée », une bâtisse familiale sise au fond d’un rang de Saint-Christophe-de-la-Traverse. Il décide de s’y installer et de la rénover avec son frère et une amie d’enfance, et sombrera lentement mais sûrement dans un abysse d’alcool et de maladie mentale.
Martel en tête
Éric Simard
Hamac
Éric Simard est non seulement auteur, mais c’est aussi le directeur littéraire des éditions Hamac. Il nous propose ici un intéressant exercice, une version « revue » de son premier roman, qui date de 1998. Rédigé sous la forme d’un monologue, à propos d’une femme qui décide de tout refuser après avoir eu une vie difficile, il avait à l’époque jeté les bases du style mordant qui allait être privilégié chez Hamac, une école captivante où la qualité de l’écriture prend une place centrale.
(Sainte-Famille)
Mathieu Blais
Leméac
Il y a beaucoup de familles dysfonctionnelles en littérature québécoise, et c’est un thème aussi rassurant que difficile à exploiter de façon originale. Blais y parvient admirablement bien, en ficelant un récit grinçant et qui se tient assez loin de la rectitude à laquelle on nous a habitués dernièrement. Dans l’univers sombre et colérique de Thomas Saint-Jacques, de sa femme et de son fils, le bonheur est une utopie difficilement envisageable.
Creuse ton trou
Bruno Massé
Québec Amérique
Ce qu’on nous présente comme un récit « à mi-chemin entre le thriller et le documentaire engagé » est un drôle d’objet, aussi informatif que drôle, écrit dans un langage très vif qui fait en sorte qu’on le lit très rapidement. La région inspire beaucoup d’auteurs cette saison-ci, et nous nous en réjouissons; rien ne vaut une bonne histoire de campagne agrémentée du rugissements de moteurs et de l’explosion des tempéraments chauds.
Le jeu de la musique
Stéfanie Clermont
Le Quartanier
On se trompe rarement, chez Le Quartanier, quand il s’agit de dénicher des nouveaux talents aux voix fortes. Cette collection de nouvelles, première œuvre de Clermont, possède une unité stylistique et une maturité étonnantes, et fait preuve d’une hypersensibilité derrière laquelle on peut deviner une grande expérience avec la noirceur de l’existence. Une méditation sur la violence du quotidien, les moments qu’on préfère oublier, les durs lendemains et l’isolement au cœur d’une métropole.
Les cigales
Antonin Marquis
XYZ
Qui n’aime pas les road trips fictifs? Celui qui nous intéresse se déroule sur les routes tranquilles de la Nouvelle-Angleterre, en 2012, pendant qu’à Montréal, la grève étudiante fait rage. Deux amis se cherchent aux États-Unis, et Caro, la copine de l’un, est restée en ville pour commencer une carrière. Sur le fil très mince entre la fin des études et le début de leur vie adulte, les personnages des Cigales évoquent quelqu’un que vous connaissez, ou peut-être même vous. Et la matérialité indubitable des protagonistes les enfonce encore plus profondément dans notre mémoire, même après en avoir terminé la lecture.
Dictionnaire historique du Plateau Mont-Royal
Bernard Vallée, Jean-Claude Robert, Justin Bur, Joshua Wolfe et Yves Desjardins
Écosociété
Ouvrage écrit à dix mains, avec 560 entrées, et nous présente un Plateau méconnu, et moult détails historiques oubliés. Ce quartier que l’on croit connaître est passé à travers tellement de mutations qu’il est de nos jours méconnaissable, mais il a longtemps été l’épicentre intellectuel de Montréal, après avoir été un quartier ouvrier où l’on trouvait des pistes de course de chevaux un peu partout, et même un zoo. Difficile de faire plus fascinant. Un essentiel de la bibliothèque de tout véritable montréalais.
Chenous
Véronique Grenier
Éditions de Ta Mère
Son Hiroshimoi est encore un sujet de conversation fréquent chez tous les gens ayant été marqués au fer rouge par sa lecture, et on attendait de pied ferme une autre œuvre de la jeune auteure, prof de philosophie dans la vie de tous les jours, et figure emblématique des Éditions de Ta Mère dans ses temps libres. Ces poèmes « de désordre, de comptoir et de rebord de fenêtre » font du bien au quotidien, et nous permettent de retrouver cette voix si franche et nue avec un plaisir amplifié par l’attente.
Larguer les amours
Collectif
Tête première
L’idée aurait pu être déprimante – vingt auteures nous racontent une rupture, nous décrivent cet état d’esprit un peu particulier, qu’on redoute tous et qui est unique à cette situation. Il y a pourtant beaucoup de tendresse, de luminosité et d’espoir dans ces courts textes, qui nous présentent un moment de vulnérabilité de façon généralement candide et attachante. Des textes qui se savourent lentement, sans se presser, et que l’on ressent à 100%.
Noms fictifs
Olivier Sylvestre
Hamac
Sylvestre, surtout connu pour sa carrière de dramaturge, détient un diplôme en criminologie et œuvre comme intervenant auprès des toxicomanes depuis plus de dix ans. C’est un peu une genèse de cette expérience qu’il nous propose ici, sous la forme de récits. Au menu : des personnages colorés, un peu de misère, le verbe vif, et une profonde dose d’humanité.
Pas de géants
Gabriel Allaire
Leméac
Voilà une sympathique première œuvre de la part de Gabriel Allaire qui, au milieu de sa vingtaine, a écrit un récit qui sent bon la jeunesse, et qui se déroule pendant cette période à fleur de peau où l’innocence de notre enfance se défait en lambeaux, et où l’on découvre fébrilement les possibilités de l’âge adulte. Un roman aussi fantaisiste que poétique.
Madame Victoria
Catherine Leroux
Alto
Voilà une réédition que l’on attendait, pour une œuvre devenue difficile à trouver, et qui mérite justement encore sa place en librairie. Troisième roman très maîtrisé de l’auteure, il est écrit en mode « choral », mais sa particularité est que toutes les femmes y prenant part sont des facettes de la même, une thématique que Leroux allait explorer à nouveau dans sa nouvelle Rosemère, écrite pour le deuxième recueil de la collection Cartographies chez La Mèche.
Petit guide de la science-fiction au Québec
Jean-Louis Trudel
Alire
Recenser tout ce qui se fait au Québec en matière de science-fiction est une tâche titanesque, et même si le genre n’est pas le plus populaire ou mainstream, la province a son lot d’auteurs aguerris à offrir. Jean-Louis Trudel a accompli la tâche monastique de compiler une liste assez exhaustive des œuvres d’auteurs québécois, et nous présente le tout d’une façon ordonné et absolument sympathique, ayant pour résultat d’allonger encore plus notre liste de lecture déjà vertigineuse.
Bleu Bison
Patricia Godbout
Leméac
Sujet toujours délicat, l’impact du suicide d’un proche constitue la trame de fond cette étude de mœurs, où l’entourage de Louis, l’artiste excessif de la famille, doit apprivoiser son absence. Un trou immense qu’il est impossible de combler autrement qu’avec de la patience, des souvenirs, et toutes ces peintures de bison que le disparu a laissé derrière… Une touchante méditation sur le deuil qui évite habilement la lourdeur habituellement associée au thème.
La vie rêvée de Frank Bélair
Maxime Houde
Alire
Maxime Houde roule sa bosse dans le domaine du roman de genre depuis belle lurette, et son inspecteur fétiche Stan Koveleski se passe de présentation, et il a écrit sept volets de ses aventures policières, toutes publiées chez Alire. Ce roman dévie un peu de sa trajectoire habituelle, même s’il se déroule en 1942. Il met en scène Frank Bélair, heureux propriétaire d’un cabaret, dont la vie « rêvée » ne pourra pas durer éternellement…
Le corps des bêtes
Audrée Wilhelmy
Leméac
Extrêmement attendu après Les Sangs, ce nouveau roman d’Audrée Wilhelmy en est une suite thématique, et propose encore une fois une écriture exquise, et un univers feutré et sauvage, où le désir est roi, où « les bêtes sont à qui les prend ». Sur une île peu peuplée, les rapports entre les habitants sont flous, et l’inceste plane. Cet univers unique en littérature québécoise fait la force de l’auteure, qui jongle magistralement avec les mots.
Grand fauchage intérieur
Stéphanie Filion
Boréal
Bien que ça soit son premier roman, Stéphanie Filion a une impressionnante feuille de route, et a déjà publié plusieurs recueils de poésie. Elle nous transporte ici au Liban, dans un univers sensuel plein de bruit et de couleurs, où deux voyageurs apprendront à se connaître en accéléré, et où un simple terme de judo deviendra une habile métaphore pour la multitude de petites émotions qui traversera l’héroïne, alors qu’elle se verra complètement aspirée par un processus de séduction méthodique et irréversible.