J’arrive souvent au patron de ce blogue avec des idées qui peuvent sembler à côté de la track.
Bah voilà. Aujourd'hui, je sors encore des sentiers battus.
L’alignement des astres m’a tout récemment mené à découvrir l’existence d’un groupe d’origine libanaise qui lutte contre l’homophobie dans la communauté arabophone montréalaise : Helem.
Je crois bon de vous faire connaître cet organisme, qui n’emploie pas un ton vindicatif, revendicateur, ni indigné, mais préfère «faire la promotion de la visibilité des allosexuels.» En date de 2011, la communauté libanaise s’élevait environ à 70 000 personnes au Québec, dont 62 000 à Montréal. Difficile de mettre le doigt sur le pourcentage de cette population LGBT au sein de cette population.
Quand je me suis entretenu avec Remy Nassar, le président du comité d’administration, celui-ci m’a souligné que, peu importe l’endroit sur le globe, une proportion de 6 à 10 % de la population est lesbienne, gaie, bisexuelle ou transgenre. Les statistiques officielles n’affichent pas des chiffres aussi élevés ; même en 2016, les membres de cette communauté entretiennent la peur de la stigmatisation, de l’isolement, de l’humiliation…
Certes, Montréal est vue à l’échelle mondiale comme un des havres de paix de la communauté LGBT, mais l’intégration ne va pas nécessairement de soi quand on vient d’un pays où la loi criminalise les actes contre nature, ce qui inclut dans une certaine proportion – et erronément, vous en conviendrez – l’homosexualité.
Que fait concrètement Helem pour combattre cette peur qui peut parfois ronger les Libanais et arabophones à leur arrivée dans la grande région montréalaise, malgré cette belle ouverture qui caractérise généralement la culture métropolitaine ? Remy Nassar explique.
Comment est née Helem ?
«La naissance de Helem au Québec date d’il y a 13 ans, mais l’organisme existait déjà sur le web depuis 2000. C’était impossible de s’installer physiquement au Liban, alors il a été enregistré à Montréal, où il y a beaucoup moins de restrictions et complications administratives. Cette décision a été prise de façon un peu arbitraire parce qu’un des fondateurs allait immigrer au Québec.»
Pourquoi un immigré LGBT peut-il entrer dans une phase de peur et d’isolement à son arrivée à Montréal ?
«Les gens qui arrivent ici amènent avec eux leur bagage, leur mentalité du Liban et, par la force des choses et bien souvent accidentellement, recréent le même mode de vie ici, les mêmes patterns. Ils restent coincés dans la peur entretenue dans leur pays, autant auprès de leur famille, dans l'intimité, qu'en public. Dans une culture très ouverte, très acceptante, cela crée un conflit intérieur, auquel vous devez ajouter un contexte religieux très différent – car la religion prend généralement une très grande place dans notre communauté.»
Que faites-vous concrètement pour combattre cette peur ?
«Nous tenons des rencontres mensuelles, que ce soit des soirées films, des discussions, des ateliers, des conférences, des pique-niques l’été… Cela permet aux membres de se rencontrer et des créer des contacts, voire des relations. À leur arrivée du Liban, les gens sont souvent isolés dans leur coin et, surtout, discrets à cause de leur situation familiale. Nous comptons une cinquantaine de membres bon an, mal an; certains se rajoutent, d’autres partent.»
Quelle est ton expérience personnelle ?
«J’en suis à ma septième année en tant que président du comité administratif. Avant de me joindre à Helem, je ne connaissais carrément pas de gai arabe. À mon arrivée à Montréal, il y a 20 ans, je cachais ma situation. J’étais dans une paroisse libanaise, mais, plus le temps avançait, moins je m’acceptais et plus je me sentais seul. Éventuellement, j’ai coupé les ponts avec ma paroisse et je me suis retrouvé seul. Helem a été une révélation pour moi. J’ai réalisé que je pouvais être gai et bien vivre.»
Source : Facebook
Helem ne s’adresse-t-elle qu’à la communauté LGBT libanaise ?
«Nous comptons de plus en plus de membres arabes. Nous sommes le seul groupe arabophone au Québec, alors les personnes d’autres nationalités – pas seulement les Libanais – s’identifient à nous. Nous offrons nos propres services, mais nous faisons aussi le lien avec des organismes québécois qui ont un pied à terre ici. Nous facilitons l’adaptation de ces services à la réalité des Libanais et arabophones. Ici, les contextes de coming-out et d’acceptation, en plus de l’intégration de la religion, sont différents. Les gais de notre communauté ne s’identifient pas nécessairement aux groupes qui existent à cause des différences dans nos valeurs religieuses et familiales. Nous servons de pont.»
L’article 534 du code pénal libanais criminalise les «actes contre nature». Cette situation est-elle en voie de changer ?
«La situation au Liban progresse et régresse selon le climat politique; chez nous, c’est étroitement lié. Quand le contexte politique ne va pas bien, le problème est dévié vers la communauté gaie-lesbienne-bisexuelle-transgenre, pour détourner l'attention, cacher ledit problème ou essayer de le changer. Quand ça va bien, on endure les LGBT, on ferme les yeux.»
«Dans les cinq dernières années, deux juges ont tranché dans des causes en cour en faveur d’un transgenre et d’un homosexuel, décrétant que l’article 534 ne s’appliquait pas. Ce sont des victoires pour nous. Cela pourra nous aider, bien que les tribunaux libanais ne fonctionnent pas par jurisprudence. Il faut noter que l’article 534 ne criminalise pas l’homosexualité, mais bien les actes contre nature. Les termes utilisés par les médias s’améliorent. Avant, c’était discriminatoire. Aujourd’hui, pas un média libanais crédible ou qui se respecte ne se permettrait de sortir du lexique neutre.»
– HELEM, «rêve» en arabe, forme aussi l'acronyme « Protection libanaise pour les lesbiennes, homosexuels, bisexuels, bisexuels et transgenres»
– Helem tient ses assemblées mensuelles au Centre communautaire des gais et lesbiennes de Montréal, au 2075 rue Plessis, bureau 110, sous la rue Sherbrooke
– Visitez le site de Helem pour tous les détails ou pour vous inscrire.