Le commun des mortels a pour la première fois entendu parler de ce jeu dans un article du New Yorker de Raffi Khatchadourian en mai 2015.
On annonçait No Man’s Sky comme proposant la plus grosse map de tous les temps, un univers complet avec une multitude de systèmes solaires, dix-huit quintillions de planètes, toutes explorables. Des races d’extra-terrestres avec leurs propres langues.
Un wet dream pour les amateurs d’astronomie, de science-fiction, d’exploration. Et si, tout comme moi, ces trois disciplines étaient parmi vos obsessions principales, il ne vous restait plus qu’à attendre – longtemps – la sortie du jeu en essayant d’éviter de sombrer dans de profondes crises d’apoplexie.
Plus la date de sortie approchait, plus la hype grandissait. On nous en révélait un peu plus chaque mois. Nous allions pouvoir choisir notre façon de jouer, en étant pirates, scientifiques, ou mineurs. Il y aurait des langues inventées que nous allions pouvoir apprendre. Notre but serait de se rendre au centre de la galaxie, mais ce qui s’y trouve demeurait un mystère. Nous allions « peut-être » croiser d’autres joueurs.
Le voici arrivé depuis début août, et nous avons eu l’occasion d’y passer une quarantaine d’heures. Après une semaine complète de travail passée à explorer divers systèmes solaires et découvrir progressivement les mécaniques et objectifs du jeu, on est à la fois impressionné et déçu.
L’esthétique et la philosophie du jeu, ouvertement inspirés des œuvres classiques d’Arthur C. Clarke et Isaac Asimov, sont très intéressantes. Nous explorons des planètes en mode solitaire, accumulant des ressources naturelles pour continuer d’avancer, et pour améliorer nos outils et nos vaisseaux. Un système de progression à la fois typique et éprouvé. L’idée est follement excitante – mais l’exécution laisse fortement à désirer. On dirait que la pression des joueurs a forcé Hello Games à sortir un jeu qui était loin d’être prêt à voir la lumière du jour.
Et l’exploration des nombreux systèmes solaires inédits? L’idée a beaucoup plus à voir avec l’idéal rétrograde de colonisation « à l’européenne » qu’avec une réelle découverte du cosmos : les planètes que le joueur découvre sont toutes plus ou moins couvertes de petits édifices, qui contiennent parfois un NPC extra-terrestre appartenant à l’une des cinq « races » créées pour le jeu. Que découvre-t-on, alors? Christophe Colomb, avec toute son insensibilité, peut aller se rhabiller.
Et dites-moi à quoi ça sert d’avoir 18 quintillions de planètes, quand elles finissent par plus ou moins toutes se ressembler? La génération procédurale a clairement ses limites. L’algorithme développé par Hello Games permet des petites variations dans le terrain, le climat, la faune et la flore, mais chaque système solaire est composé de 4 à 6 planètes, certaines avec des lunes. La densité des petites stations qui y sont installées est variable, mais vous n’y croiserez JAMAIS de ville. Même sur les planètes les plus propices à la vie, il n’y a AUCUN ENDROIT AVEC UNE DENSITÉ DE POPULATION ÉLEVÉE. Toutes les planètes ont la même gravité. Les animaux qu’on y trouve sont parfois profondément grotesques. Il y a plusieurs nonsens, trop nombreux même pour les énumérer.
Reste un concept très fort, et une sensation de liberté absolue. C’est aussi intéressant pour les gens qui ont une petite fibre d’archiviste, car on peut cataloguer toutes les créatures et plantes d’une planète et les envoyer vers le serveur afin que d’autres joueurs tombent (peut-être) sur vos « découvertes ». La trame sonore pleine de synthétiseurs vintage signée 65Daysofstatic est aussi plutôt agréable.
C’est donc un jeu où on peut facilement se perdre, mais qui s’avère être globalement une petite déception. On nous promet des patches qui vont prochainement régler certains problèmes, mais pour l’instant, cette excellente quote de Angry Joe résume bien l’entreprise : « A huge exercise in frustration and broken promises. »