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Anisha Patelita, la photo argentique et le métissage en noir et blanc
Crédit: Anisha Patelita

J'ai posé quelques questions à la photographe Anisha Patelita qui fait partie de l’exposition Girls on film présenté au Studio Argentique ce jeudi 26 mai à Montréal. L’exposition met en avant le travail de six jeunes femmes photographes, Sarah Seené, Cloé Chagnon-Gagné, Meriem Haddam, Kalian Lo, Lucie Cottin et Anisha Patelita.

Anisha Patelita, quel est votre premier contact avec la photographie argentique ?

J’ai commencé la photographie argentique lorsque j’étais au lycée. Un professeur d’histoire de l’art avait accès à des laboratoires de photographie et il avait créé un cours optionnel pour que les élèves puissent découvrir et pratiquer la photo argentique. À ce moment-là, je me suis réellement intéressée à cette forme de photographie, donc aux vieilles caméras, aux pellicules…

D’une manière générale, la photographie m’a toujours intéressée. J’ai toujours adoré prendre en photo ce que je voyais, parfois même si c’était n’importe quoi. Mais l’approche de l’argentique m’a séduite. Il existe une forme d’implication plus importante avec celle-ci. Ce n’est pas seulement un jeu de lumière en studio comme avec le numérique, même si c’est passionnant aussi. La différence avec l'argentique, c'est qu'il est nécessaire de réussir son développement. En fait, l’ensemble me parait plus authentique. De nos jours, tout le monde prend des photos ; la photographie est devenue un art très accessible et omniprésent. Nous prenons des photos avec nos téléphones, nous les modifions sur des applications et nous prenons des photos de nos plats au resto – ce que je fais aussi d’ailleurs!

Avec l’argentique c’est différent, chaque photo est unique. Il est obligatoire de se concentrer, notamment parce qu’il n’existe parfois que 24 poses, contrairement aux photos numériques que tu peux supprimer et refaire à l’infini.

Crédit : Anisha Patelita

Vous travaillez également dans le monde de la musique, de l'événementiel. Vous avez réalisé beaucoup de portrait d’artistes français, mais aussi montréalais. Est-ce à ce moment-là que vous avez commencé à réaliser votre série de portrait «Faces» ?

Tout a commencé lorsque j’étais à Paris. J’ai entrepris un projet photographique en noir et blanc et composé uniquement de portraits. J’adore réaliser des portraits. Chaque personne a une expression sur son visage qui la définit. Cela m’inspire.

À l’origine, j’ai donc réalisé des portraits de mes amis à Paris, puis j’ai continué le projet en arrivant en 2013 à Montréal. J’ai rencontré beaucoup d’artistes du milieu hip hop, rap, notamment lors de mon association avec Kevin Amg, fondateur du label de musique Coaton club. Il aimait mon approche et mes portraits en noir et blanc, il m’a proposé de réaliser toutes les photos des artistes du label.
 

Crédit : Anisha Patelita​

Pouvez-vous parler de votre série de photo exclusivement composée de portrait de jeune femme ? Qui plus est, des jeunes femmes métisses ?

Quand on m’a proposé de participer à l’exposition et lorsque j’ai su que c’était une exposition uniquement avec des filles, alors j’ai pensé que ce serait le moment parfait pour réaliser une série de portrait de jeunes femmes, car la majorité de mes portraits sont masculins.

J’ai décidé de créer cette série avec des jeunes femmes de couleur, métissée, pour mettre en avant la diversité culturelle présente à Montréal. Montréal est une ville cosmopolite, une ville de passage. J’ai rencontré des gens de beaucoup de pays ici, plus que lorsque je vivais à Paris. Il y a énormément de métissage. Les filles que j’ai choisies sont des amies, mais surtout, elles sont issues de cultures différentes. Une vient d’Éthiopie, une de Martinique, Haïti, Djibouti, ou encore de Côte d’Ivoire.

À l’heure actuelle, il me paraissait intéressant de mettre en avant une autre forme de beauté que le canon occidental de la femme blanche. Il y a un éveil de conscience des femmes noires et j’ai souhaité quelque part apporter ma contribution à ce mouvement. Le mouvement black girl magic est un bon exemple, celui de la femme noire qui souhaite montrer sa beauté. Toutes les femmes noires ne se ressemblent pas, contrairement à certaines idées reçues. Chaque ethnie à ses traits particuliers, et c’est cela que j’ai voulu aussi exposer : la diversité du métissage.

Ainsi, vous avez réalisé cette série avec un effet diptyque ; les visages de chacune des modèles viennent par deux, une photo d'elles sans maquillage, l’autre avec. Le maquillage utilisé est du maquillage blanc, du maquillage ethnique?

Oui, pour le côté esthétique d’une part. Les photos sont en noir et blanc, ce sont de jeunes femmes à la peau couleur ébène, le blanc sort magnifiquement sur elles. J’ai voulu rappeler avec ce maquillage ethnique, une fois encore, leur diversité. À la base, le maquillage était utilisé il y a très longtemps dans les civilisations africaines, océaniques ou même asiatiques afin de, par exemple, montrer de façon ostentatoire la bravoure d’une personne.

Toutes ces jeunes femmes possèdent deux cultures. Elles portent dans leur corps, leurs traits, leur couleur de peau, une histoire qui les rattache à leur pays. C’est cela que j’ai voulu montrer.

Crédit : Anisha Patelita​

Il est aisé de constater que l’argentique est pour vous une réelle passion, mais pensez-vous que la photographie argentique a de l’avenir ? Que ce n’est pas seulement un effet de mode?

Je ne pense pas que la photographie argentique va s'essouffler. La seule raison pour laquelle le numérique pourrait définitivement mettre de côté l’argentique ce serait par rapport à sa rapidité, à sa facilité de mise en ligne sur internet, puisqu'aujourd’hui tout se passe sur la toile. Effectivement, de ce point de vue, le numérique a une grande force. Par contre, ce qui est magique avec l’argentique, c'est son empreinte dans le temps. Du jour au lendemain vos photos sur disque, disquette, clé USB, disque dur peuvent disparaître, mais une pellicule et un négatif, ça reste. Grâce à cela, nous avons encore des vieilles photos de nos grands-parents. Ce qui me rend heureuse est de me dire que peut-être dans cinquante ans je tomberai sur des photos que j’aurais prises dans ma jeunesse.

Pour plus d'informations sur l'exposition GIRLS ON FILM, visitez la page Facebook de l'événement.

Visitez la page personnelle de la photographe Anisha Patelita.
 

Crédit : Anisha Patelita​
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