Et la lumière fut! Bombardé d’images, j’ai parfois l’impression d’être aveugle, pour qu’ensuite la bonne image frappe. Devant la photo RDL5 de Geneviève Moreau, de sa série Vacancy, j’ai eu ce choc-là. Les yeux grands ouverts, j’essaie de comprendre ce que je viens de voir. La lumière est forte, claire, précise, donne la vie à quelque chose qui est tellement mort en même temps. Le contraste est sûrement dans ma tête et il fonctionne!
C’est arrivé au Centerfold VII qui a eu lieu au 4089 boul. Saint-Laurent il y a quelques semaines. Il s'agit d'une série de soirées qui a pour but de faire la promotion d’artistes locaux. Un genre d'happening semble-t-il, puisque la file d’entrée était particulièrement longue et remplie de jeunes branchés quand on est sortis à 22 h 30 comme des mémés pour aller nous siffler une camomille.
Tout ça pour dire que ça valait la peine de contacter Geneviève pour en savoir plus sur ce qu’elle fait. Entrevue (pas pompette).
Quel est ton parcours? Académique, professionnel?
J’ai fait des études en arts visuels et médiatiques au cégep et au bac. Ensuite, j’ai complété un DESS en gestion d’organismes culturels aux HEC Montréal pour travailler dans le domaine des arts et de la culture. Après quelques stages et emplois dans des OBNL, je me suis rendu compte que la photographie prenait plus de place dans ma carrière que je ne l’aurais pensé. Les salaires n'étant pas énormes dans le milieu, je voulais aller chercher une autre source de revenus pour voyager et continuer ma création.
Il y a deux ans, on m'a approchée pour un poste de technicienne en arts visuels au Collège Lionel-Groulx où j’avais étudié 10 ans plus tôt. Maintenant, je me consacre à ma pratique artistique hors de mes heures de travail et je fais quelques événements et mariages pour financer mes créations. Depuis 2013, je suis en production constante.
Pourquoi la photo? Comment as-tu choisi ton équipement?
J'ai commencé très jeune. Je voyageais beaucoup avec mes parents, au Québec et aux États-Unis. Par contre, je dois dire que la peinture était ma principale pratique. Ce n’est que lors de ma troisième année au bac que je me suis lancée dans la photographie argentique et chromogène (couleur) en laboratoire. Je suis tombée amoureuse de ce médium et aujourd’hui je continue de travailler avec des appareils analogues que je collectionne. Ma caméra format moyen, une Yaschica 635, est ma chouchou. Elle m’a été offerte par mon ancien propriétaire. Ce don a été pour moi une révélation. Depuis, je me suis tournée vers la pellicule couleur.
Quelle a été la surprise la plus surprenante de ton processus créatif?
Le don de cet appareil, mon Yashica 635, m’a surprise à tous les points de vue, technique comme créatif. J’ai appris à prendre le temps de capturer une image et de l’apprécier lorsque je la vois développée. Le sentiment de surprise est unique. Le processus est très important dans mon approche du médium photographique et est une partie intégrante de mon processus.
Et un moment de bonheur impossible sans prise de risques?
Le développement de mes photographies est toujours une surprise en soi. La photographie RDL5 a été une surprise, car j’ai passé par ce motel très rapidement, donc je ne pensais pas avoir une image de cette qualité. Je suis retourné en hiver suite à cette découverte et j’ai fait la série Vacancy pour l’exposition Anti-Corps en mars 2014.
En quelques étapes, quel est ton processus créatif?
J'essaie de voyager le plus possible et de sortir de mon quotidien pour observer, afin de capter des images et des moments uniques. On peut voir, sur mon site, mes séries et thématiques diverses.
Ensuite, je développe mes négatifs et les numérise dans un laboratoire pour pouvoir les imprimer en jet d’encre par la suite.
Vient la partie où je joue avec mes images par associations. Donc je fais des séries qui visuellement se parlent. Je retiens celles qui sont fortes par leur contraste et leur composition. Ce sont souvent des séries que je développe sur de longues périodes de temps. Parfois, elles se présentent à moi sans que j’en aie le contrôle. C’est justement cette perte de contrôle qui me fascine dans le médium photographique.
Comment fait-on pour se faire un nom? Comment peut-on aller chercher de l’exposure? Comment faire partie d’une exposition?
Il faut un bon site Internet. Trouver ce que nous voulons faire voir et cibler notre clientèle. La première impression est souvent la plus importante. J’ai donc décidé de faire deux sites internet. Un pour le commercial et un pour ma pratique artistique (appel de dossier…).
Il y a aussi beaucoup de temps à consacrer aux réseaux sociaux. Ils me sont d’une grande aide, mais j'essaie de ne pas passer mes journées là-dessus! Environ une heure par jour, c’est suffisant. Ma page Facebook est active et j’essaie de lier Instagram, Facebook, Tumblr et mon site web le plus possible.
Pour les expositions, il existe plusieurs façons. On peut en faire une avec d’autres artistes, louer et s’occuper de tout (publications, publicité…). J’ai participé à l’exposition Skyporn avec deux autres photographes (Véronique Buist et Alain Lavergne) et nous l'avons produite avec l’aide de la Galerie Aux Vues.
On peut aussi présenter nos œuvres dans des foires d’art, comme la Foire d’art contemporain de Saint-Lambert, à laquelle j’ai participé l’automne dernier, ou encore des événements comme Centerfold. Il faut donc prendre le temps de chercher et appliquer le plus possible et rester cohérent dans nos démarches!
Quelle approche prends-tu pour la photo de mariage?
J’essaie d’avoir une approche personnelle. Donc des photos intimes et le plus « naturel » possible. De la lumière naturelle, des endroits romantiques et qui font parler le couple en question. J’aimerais faire mes photos en argentique, mais la demande n’y est pas. Le client veut le plus de photos possible, même si j'essaie de privilégier la qualité plutôt que la quantité. J’ai commencé à travailler avec une amie artiste et nous aimerions développer un produit qui offre l’argentique et le numérique. Bref, un autre projet!
C’est comment de lancer un site de vente?
Ça demande du temps. Il faut étudier le marché. On analyse le milieu externe, ensuite l’interne. Donc ce qu’il y a et ce que je peux offrir. Se situer dans tout ça et suivre une démarche cohérente par la suite. Il faut aussi prendre le temps d’analyser les coûts que cela implique, que ce soit pour l’impression, l’emballage, le transport… Il y a aussi la plateforme qui soutiendra tout ça. J’ai choisi celle de Wix.com car mes sites sont faits à partir de celle-ci. Il y a aussi les portails de paiement qu’il faut regarder en termes de coût et d’efficacité comme PayPal, le plus efficace selon mon expérience.
Bref, prendre le temps pour chaque décision, mais ne pas hésiter à chaque pas!
Crédit : Jean Micheal Semirano