Faire une liste de seulement dix romans incontournables pour l’automne, c’est de la véritable torture psychologique. Les exclus seront-ils froissés? Les lecteurs ne vont-ils retenir que les œuvres omises? Vais-je bien dormir ce soir?
On le sait, la rentrée est une période d’abondance, de surenchère, d’explosions intellectuelles. Ma wish list sur Amazon en pâtit, les maisons d’édition se battent pour une petite place au soleil et on ne sait plus par quelle œuvre commencer. Voici une liste tout à fait subjective de dix oeuvres qu'il fera bon dévorer en regardant les arbres se dégarnir dans les prochains mois.
LES MAISONS de Fanny Britt
(Cheval d’Août, 26 octobre)
On connaît surtout Britt en tant que dramaturge et dialoguiste très vive d’esprit, et elle a finalement décidé de céder à la pression de ses pairs; elle nous arrive cet automne avec son premier roman. Il y sera question d'une mère de famille qui a tout pour être heureuse, mais qui ne décroche pas d'un vieil amour « passé date », et on a bien hâte de voir ce que le sort lui réserve entre les mains d'une auteure aussi imprévisible.
PURITY de Jonathan Franzen
(Bond Street, déjà en librairie)
Cet auteur en voie de devenir mythique prend tout son temps pour travailler sur ses œuvres, alors chacun de ses romans est attendu de pied ferme. Cinq ans après l'énorme Freedom, Franzen s'intéresse à Purity Tyler, une jeune fille à maman d'Oakland qui devient stagiaire pour le Sunlight Project, une organisation qui évoque Wikileaks et qui opère en Amérique du Sud. Il y est question d'écologie, de transparence, de journalisme et de l'étourdissante quête de valeur humaine chez la jeunesse contemporaine.
LE HÉROS DISCRET de Mario Vargas Llosa
(Gallimard, déjà en librairie)
Ce Péruvien qui peut être qualifié de valeur sûre – il a gagné le prix Nobel de littérature en 2010 – situe l'action de son nouveau roman dans son pays d'origine, après plusieurs incartades en sol étranger dans ses oeuvres plus récentes. Ici, il rend hommage aux hommes ordinaires qui se rebellent contre l'ordre établi sans en faire tout un spectacle, en nous présentant un Péruvien aisé que plusieurs tourmenteurs tentent de flouer. Même si le livre est traduit de l'espagnol, on sent sa maîtrise et son style.
CELUI QUI RESTE de Jonathan Brassard
(Tête Première, 9 novembre)
Du réalisme magique au Québec, à notre époque? C’est le genre que pratique Jonathan Brassard depuis sa première œuvre, Les Chaînes du Léviathan, parue chez Coups de Tête en 2013. Ici, on nous propose une enquête contemporaine sur des événements ayant eu lieu en 1991 à Saint-Sieur-des-Quatre-Cascades, un village où une épidémie a transformé certains citoyens en oiseaux. Sachant que monsieur Brassard respire le style, ce résumé a tout pour nous mettre l’eau à la bouche.
CITY ON FIRE de Garth Risk Hallberg
(Knopf, le 13 octobre)
Cette brique de 900 pages a valu à son auteur une avance de presque deux millions de la part de Knopf. On compare déjà Hallberg à Michael Chabon ou Thomas Pynchon, et il a consacré à cette œuvre six ans de sa courte vie. L’histoire concerne un incident – une fusillade – qui a lieu dans Central Park dans les années 70, et son impact sur tous les individus concernés. On dit de ce livre que malgré sa longueur imposante, il est relativement difficile d’en interrompre la lecture, et on en annonce déjà une adaptation cinématographique.
LE NID DE PIERRES de Tristan Malavoy
(Boréal, 2 novembre)
En plus d'être beau gosse, ce vétéran de la section littérature du Voir (en fonction pendant dix ans!) est chanteur, poète et… maintenant romancier. Il nous raconte habilement le retour aux sources d'un couple urbain, qui achète une maison dans le village où ils ont grandi. Les questions angoissantes que l'on se pose à l'enfance disparaissent-elles nécessairement une fois que nous sommes adultes, et que nous croyons avoir atteint pas mal tous nos buts? Ce roman se propose d'examiner cet épineux dossier.
THE MARE de Mary Gaitskill
(Panthéon, le 3 novembre)
C’est l’histoire de Velveteen Vargas, une dominicaine de 11 ans adoptée par un couple dysfonctionnel de Brooklyn. Oui, l’équitation y joue une certaine part, mais c’est surtout une fable féministe à propos du concept d’espoir, qui se développe en même temps que l’adolescence de la protagoniste. Un livre cru, lumineux et vrai; l’auteure Mary Gaitskill a été finaliste pour le National Book Award avec son livre Veronica, en 2005.
TAS-D’ROCHES de Gabriel Marcoux-Chabot
(Druide, déjà en librairie)
Annoncé comme un « événement » littéraire, cet intrigant roman célèbre la langue en s’inspirant librement de Rabelais, de Michel Tremblay, du chiac et de l’innu. Son auteur est un conteur-poète bon vivant, actuellement étudiant au doctorat en littérature à l’Université Laval, et il est lui aussi originaire de St-Nérée, village où évolue son « champion de fond de rang », un antihéros épicurien et viril d’une taille inhabituelle qui protège son clan du mieux qu’il peut. Saga où le langage se bouscule d’une page à l’autre, où la forme habituelle du récit s’éclate et se distend, voici un OVNI livresque d’une singularité indiscutable.
THE DYING GRASS de William T. Vollmann
(Viking, déjà en librairies)
Vollmann est l’un des auteurs les plus ambitieux de notre époque. Ses romans sont toujours basés sur des moments clés de notre histoire, le genre de produit culturel que vous ne trouverez pas à la librairie de votre aéroport. The Dying Grass est le cinquième volet d’une série de sept ouvrages projetés sur l’histoire des territoires nord-américains, un projet qui fait rêver, justement appelé Seven Dreams, entrepris en 1990. Ce volume de 1346 pages (!!!) s’intéresse à la guerre qui opposa les Amérindiens de la tribu Nez Percé, en 1877, à l’armée américaine. On y raconte le conflit de la perspective du général Oliver Otis Howard, et même si ce terme est de nos jours plus ou moins accepté dans les médias qui se respectent, ça promet d’être fortement « épique ».
FAIMS de Patrick Sénécal
(Alire, 20 octobre)
Il y avait longtemps que Sénécal n'avait pas offert à ses lecteurs autre chose que Malphas, un feuilleton en quatre parties. Le « Stephen King du Québec » ne fait certes pas l'unanimité, mais il fait toujours preuve d'une très fertile imagination quand vient le temps de nous présenter un récit bien tordu et surprenant. À cette heure aucun détail n'est connu à propos du récit, mais la page couverture signée Jean-Michel Cholette laisse entrevoir un contexte circassien avec des connotations diaboliques.