Les émeutes de Stonewall sont reconnues comme faisant partie des premiers évènements catalyseurs du mouvement de libération LGBT américain, à la fin des années 60. J'étais donc vraiment excité quand j'ai entendu dire qu'on allait en faire un film. Et que ce film sortirait en septembre 2015. J'ai été excité jusqu'à ce que je vois la bande-annonce et que j'aille faire un tour sur la page IMDB de la production pour contempler un casting majoritairement blanc et de surcroît, avec Jonathan Rhys Meyers, un acteur hétéro, jouant le rôle de Trevor, un homosexuel supposément leader des émeutes dans le film. Malaise sur malaise.
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Pourquoi? Parce que oui, durant les émeutes, il y avait évidemment des hommes cisgenres homosexuels blancs. Évidemment. Mais est-ce que ce sont eux qui étaient la cible première des policiers? Était-ce eux les réels instigateurs du mouvement? Non, pas nécessairement, mais Hollywood fait comme si. Ce qu'il y a de mal avec ce genre de film, c'est qu'on détourne l'histoire, on remodèle les faits afin de lui redorer le blason à la façon blanche cisgenre et c'est franchement lourd. Parce que les émeutes de Stonewall, c'est arrivé. Et qu'au Stonewall Inn, on retrouvait majoritairement des gens de minorités raciales et de la communauté trans*. Les émeutes, c'est un évènement phare dans les débuts de l'acceptation des communautés LGBT. On ne retrouve pourtant pas dans les personnages les noms de Sylvia Rivera ou Miss Majors, malgré le fait que ces deux activistes et plusieurs autres activistes trans' et/ou drag queens latinas et noires aient fait partie des véritables leaders des émeutes. J'ai toutefois eu un petit soupir de soulagement lorsque j'ai remarqué qu'Otoja Abit allait camper le rôle de Marsha P. Johnson (son nom est dans la liste, quelques lignes sous le nom de la fille qui joue le rôle de la « Woman with a poodle »…), une des pionnières du mouvement. Reste à voir l'importance que son rôle aura, étant donné qu'on ne la voit pas dans la bande-annonce.
C'est dommage de voir qu'une si belle opportunité au cinéma de rendre à César ce qui appartient à César, soit tombée à plat. Un peu comme Jared Leto qui joue le rôle d'une femme trans* dans Dallas Buyers Club. Des actrices/teurs trans*, il y en a. Mais on préfère donner le rôle à un acteur cisgenre hétérosexuel et on louange par la suite sa performance alors que dans le fond, le rôle aurait très bien pu être joué par une femme trans'. Encore une fois, on rate le train de la représentation et une actrice trans* rate un premier rôle. Nommez-moi des personnages trans* au cinéma, vous.
Crédit : Roadside Attractions via IMDB
Je crois qu'il est fondamental et urgent que les jeunes et les moins jeunes puissent trouver dans l'industrie culturelle des modèles LGBT. On assiste aux débuts d'une réelle révolution médiatique avec les tribunes que des femmes comme Laverne Cox ou plus récemment Caitlin Jenner ont pour la communauté trans*, mais ce n'est que le début. En grandissant comme homosexuel dans ma petite ville, je n'avais personne à qui m'identifier. Mais je suis privilégié. Je suis blanc et je pouvais allumer n'importe quel poste de la télé et me voir représenté par extension, d'une certaine façon. Stonewall, c'était une occasion pour que les minorités raciales et sexuelles d'aujourd'hui et d'avant aient une petite part de tarte de représentation (qui leur revient!) au grand écran et encore une fois, ces communautés se retrouvent avec des miettes. On donne un visage blanc et cisgenre au mouvement pour les droits LGBT alors que ces derniers sont les plus privilégiés de la communauté, les moins généralement à risque de se faire tuer ou de se retrouver à la rue, comme j'en parlais dans cet article précédent. Oui, encore en 2015.
Je réalise évidemment que Stonewall le film est un drame inspiré des émeutes de Stonewall, je ne suis pas dupe. Mais on a jamais vu de films inspirés de la découverte de l'Amérique par la France avec des colons japonais qui jouent les Français, non? Ben non, parce que ce n'est pas réaliste. Ce n'est pas ça qui s'est passé. Ben c'est ça. Ce n'est pas ça qui s'est passé à Stonewall, non plus.