Vous avez bien lu. Oui, de la porno féministe, ça existe.
Moi aussi, la première fois que j'ai lu cette appellation, j'ai été intrigué. Est-ce du porno où la fille a tout le plaisir et l'homme n'a rien? Bien sûr que non, ça ne serait pas féministe.
Le terme vient de la réalisatrice Erika Lust. Après des études en sciences politiques, cette féministe dans la trentaine décide de réaliser pour un projet scolaire un premier film pornographique : The Good Girl. De fil en aiguille, elle en vient finalement à devenir réalisatrice porno.
C'est lors d'une conférence TEDx « It's time for porn to change » qu'elle explique sa démarche. Elle illustre son questionnement à propos de la pornographie traditionnelle de façon humoristique, drôle, rafraîchissante et avec beaucoup d'intelligence.
Elle explique que la porno n'est pas juste de la porno, c'est un discours. Un discours à propos de la sexualité, de la féminité et des rôles que nous jouons. Et les seuls qui participent dans le discours porno sont les hommes.
Besoin d'exemples?
Rappelez-vous la dernière scène porno que vous avez vue. Comment se termine-t-elle? Réponse : lorsque l'homme éjacule sur le visage de la femme. C'est d'abord très « dominant » comme attitude (on ne se le cachera pas). Est-ce que vous faites cela à chacune de vos relations sexuelles? J'espère que non, évidemment. Mais le point important n'est pas tout à fait là. Le point important, c'est que la scène porno se termine surtout lorsque l'homme a eu son plaisir. Lorsqu'il est satisfait et repu. Ne devrait-on pas terminer la scène – comme chaque relation – que lorsque les deux partenaires ont été satisfaits? Utopie.
Voici un exemple d'un film porno « classique » : l'homme vient livrer une pizza. La femme n'a pas d'argent. Elle taille une pipe au livreur. Fin de la scène. Est-ce réaliste? Non.
Certains diront, oui, mais c'est justement ça la porno : un fantasme. Erika vous répondrait que n'importe quel autre type de film, en plus d'être une fiction, transporte des valeurs : amitié, entraide, courage, etc. Il faut être critique des représentations sexuelles que l'on nous montre.
Lust offre donc un porno différent, un porno indie. Elle tourne caméra à l’épaule des gens normaux, beaux, mais au naturel. Pas besoin d'être toujours nu, parfois on garde les chaussettes. On dirait des vidéoclips indie qui virent en scène torride. On voit des mains, des corps, des caresses, mais rarement des gros plans d'organes qui rentrent ou qui sortent d'orifices quelconques. Avec son site XConfession, la réalisatrice répertorie les confessions et anectodes des internautes pour en sélectionner les meilleurs et en faire un film. XConfessions permet aussi de montrer des fantasmes occidentaux plus modernes que la simple écolière, les MILF with big tits et autres types dans les
« catégories » de pornos. Voyez le prochain titre : I Found Your Mother on Tinder. Tellement 2015!
Dans sa conférence, elle mentionne également la quantité phénoménale de trafic sur Internet associé à la porno. Une recherche sur quatre serait reliée à la porno. En parlant de ses deux jeunes filles, elle explique qu'en tant que mère, elle ne veut pas qu'elles fument, qu'elles mangent de la junkfood et ne veut surtout pas qu'elles apprennent le sexe à partir de mauvais porno sexiste. Car maintenant, les enfants reçoivent leur éducation sexuelle en regardant de la porno avant même leur première relation sexuelle. Ils croient que ce qu'ils voient dans la porno est ce qu'ils doivent faire.
La porno qui est véhiculée est patriarcale, un peu masochiste et ne met pas la femme en valeur, ni même le couple, ni même le sexe. Erika Lust propose un porno différent, plus axé sur le désir et le fantasme et aimerait que les femmes s'impliquent plus au niveau de la réalisation et de la production de film pour faire changer un peu les mentalités et le monde sclérosé de la porno.