«It always fun until someone loses an eye.»
Lors d'un doux dimanche de janvier (un rare cette année), j'ai chaussé les patins pour virevolter au son de Donna Summer sur la glace artificielle du Vieux-Port, éclairée par des jeux de lumières à faire pâlir Moment Factory. Il est de connaissance commune que ce lieu en est un hautement fréquenté par les touristes qui sillonnent les quelques arpents de neige de Montréal. Ces visiteurs sont dangereux pour deux raisons.
Premièrement, quelques-uns d'entre eux effectuent leurs premiers zig-zags avec des lames sous le talon. Disons que nous sommes loin de Joanie Rochette ou de P.K. Subban. Cependant, je ne les blâme d'aucune façon, car ils s'exécutent probablement sur une patinoire pour la première fois de leur vie et ça fait partie de l'expérience hivernale, I guess. Avec le traîneau à chiens et grinder le Bonhomme Carnaval. J'ai assez de skills pour les dépasser ou les éviter de toute manière.
L'autre raison concerne certains d'entre eux qui décident d'immortaliser ce moment féérique à l'aide d'un engin révolutionnaire : j'ai nommé le Selfie Stick. J'avais déjà vu ce truc auparavant avec une certaine incompréhension, mais ce jour du Seigneur-là, ces bâtons étaient présents en sapristi. Ces gens occupaient le milieu de la glace, immobiles pendant quelques secondes pour bien inclure le dôme bleu du marché Bonsecours dans leur photo, puis décidaient ensuite de bouger, car le cadrage était bof. Combien de fois ai-je dû faire un triple-axel pour ne pas me faire faire le coup de la corde à linge par ces tiges menaçantes? Je me le demande.
Dans ce contexte précis, ce valeureux partenaire s'avérait assez nuisible merci. Toutefois, dans d'autres circonstances, il pourrait devenir intéressant de l'utiliser. Disséquons ce phénomène avec notre chapeau de voyageur.
Allant d'une poignée de dollars à presque une centaine de bidoux, le Selfie Stick sert à prendre des clichés de soi-même (selfie) à l'aide d'un bâton (stick), car le bras du photographe n'est pas assez long pour cadrer tous les éléments qu'il désire dans sa photo. Le concept est noble, mais en vaut-il le détour?
Faites attention si vous êtes déjà un fervent utilisateur de ce bidule, car certains endroits le proscrivent, allant de salles de spectacle au UK, en passant par le Metropolitan Museum of Art de New York et même dans un pays au complet, la Corée du Sud, où ceux qui le vendent peuvent se retrouver à ramasser la savonette en prison pour trois ans!
Les musées font valoir que les visiteurs armés de leurs bâtons pourraient le swinger sur des pièces de leur collection et les endommager. Argument valable. De l'autre côté du spectre, je dois avouer qu'il y a certains points positifs à considérer.
Pour les voyageurs solitaires qui désirent des souvenirs photographiques avec leur jolis visages, le Selfie Stick fera un excellent accompagnateur pour saisir ce moment d'anthologie touristique. Plus facile que de s'étirer le bras au maximum en priant pour que le résultat soit au rendez-vous. Aussi, je crois que lorsque qu'on veut prendre une photo dont on est la vedette (seul, couple ou amis), il est possible de le faire soi-même aved le Selfie Stick au lieu de déranger ces Brésiliens qui visitent le Louvre. Je n'ai jamais aimé déranger d'autres touristes pour qu'ils se la jouent photographes histoire d'un instant et le verdict final atteint rarement les expectatives. Enfin, certaines photos effectuées avec le Selfie Stick peuvent donner des résultats impresionnants.
Par contre, le Selfie Stick ne peut prétendre posséder que des avantages. Au contraire.
Premièrement, il faut comprendre dans quel environnement la photo sera prise. Dans mon introduction ainsi que dans l'argument des musées, il est clair qu'il s'agit d'endroits où cette tige pourrait occasionner des sévices corporels ou bien des dommages irréparables à des oeuvres. Ce bâton téléscopique prend beaucoup d'espace dans certains cas, alors il peut être gênant dans l'étroit escalier de la Sagrada Familia à Barcelone.
Lorsque je voyage, je tente d'éviter de prendre des photos de ma tronche. J'aime mieux saisir des moments, des endroits et des personnes selon un éclairage ou une position particulière plutôt que « ca, c'est moi devant le Colisée, ça, c'est moi devant une pyramide». Un bon vieux appareil Nikon pour emprisonner tous ces souvenirs d'une imagerie de qualité supérieure, ça risque d'attirer autant de likes sur Facebook ou Instagram que moi qui pousse la Tour Eiffel d'une main prise avec le Selfie Stick dans l'autre.
Avouons que des clichés avec une barre noire qui traverse l'image, c'est ordinaire en capitaine, et ce n'est pas très joli. Finalement, voir des gens utiliser cette innovation dans les lieux publics me met dans un état comparable à celui lorsque je vois une personne avec une oreillette Bluetooth.
Pour conclure chers lecteurs, je ne crois pas que vous me verrez de sitôt avec ce truc dans les mains. Surtout pas lors de mon voyage cet été. Cependant, si vous utilisez le Selfie Stick, faites attention et soyez alertes du lieu où vous prenez votre merveilleuse photo.