C'est en discutant tout bonnement avec quelques potes français ou belges que j'ai entamé cette réflexion. Ils me parlaient de la discrimination quasi-quotidienne qu'ils ressentaient ici, à Montréal. J'avais énormément de difficulté à croire que ça puisse exister chez nous. J'imagine Montréal comme une ville assez tolérante où se côtoient sans trop de problèmes plusieurs langues, cultures et ethnies. Certains diront que je me mets le doigt, voire même l'avant-bras dans l'oeil et qu'il y a du racisme flagrant un peu partout. Tout est question de perspectives il faut croire.
À priori, je trouvais le terme fort. RACISME. Voyons donc, c'est exagéré. Et ensuite, plus les exemples défilaient, plus je me remettais moi-même en question. Ce n'est pas un processus évident que de se confronter à ses propres idées préconçues. Pas besoin de chercher très longtemps, vous avez probablement entendu ou même véhiculé quelques-unes de ses idées à propos de nos «cousins».
"Les français font augmenter le prix des loyers à Montréal."
"Le plateau est devenu un arrondissement de Paris."
"Dans le fond pour eux, ça coûte des peanuts ici. Ils viennent profiter des formations scolaires à peu de frais et foutent le camp." #HEC
"Ils se croient tout permis avec leur PVT."
"Ils nivellent les salaires vers le bas en acceptant n'importe quelles conditions d'emploi. Ils sont là seulement parce qu'en France il n'y en a pas d'emploi."
"Au fond, ils prennent notre place, nos jobs."
"Ils se tiennent juste entre eux."
"Ah puis tiens, ils nous volent les filles aussi."
"Ils écoutent juste de la musique électronique."
"Ils fument tous la cigarette."
"Ils sont tous toujours au Café Campus."
"En plus, on le sait ben: ils sont tous chiants, désagréables, condescendants, hautains, snobs, de mauvaise humeur, râleurs, se plaignent de tout, se prennent pour les meilleurs."
"Leurs opinions politiques sur le Québec, sur la souveraineté, les élections, ne valent rien. Qu'est-ce qu'on en a à foutre, ils ne viennent même pas d'ici."
"De toute manière, les français ont tous des valeurs de droite, on le voit à leurs positions sur le mariage gai et la montée du Front National."
C'est un petit condensé de ce qu'ils entendent parfois. J'aurais pu en rajouter. Mes amis me rapportaient que ce n'est pas tellement les propos qui les choquaient, mais le ton utilisé. C'est parfois prononcé avec candeur et une telle conviction que ç'en était renversant. C'est amené doucement, comme si ce n'était pas censé choquer. «Toi, t'es un bon Français, toi tu es correct. Toi on t'accepte.» «Il finit quand ton PVT? Quand est-ce que tu retournes en France?», « Reste chez toi, si t'es pas content.». Multiples tirades qui ne passeraient tout simplement pas si l'on remplaçait français par arabe ou juif.
Je demeure très empathique face aux complaintes (ô combien légitimes!) des français qui m'ont fait remarquer ce que c'est de vivre cette intolérance qui les a amenés à changer eux-mêmes leur manière d'interagir avec d'autres communautés ethniques.
Certains parmi ceux qui sont ici depuis un moment, qui ont décidé de s'établir ici, qui ont fait des démarches pour obtenir leur résidence permanente, m'avouent qu'ils ont eux-mêmes certains préjugés défavorables. Ils me disaient être eux aussi parfois amers envers les immigrants de fraîche date parce qu'ils trouvent qu'ils ont de la difficulté à s'intégrer. Peut-on faciliter cette intégration?
Je demeure convaincu que le simple fait de parler de ce racisme banalisé, de le dénoncer, peut avoir un impact. J'avoue moi-même être beaucoup plus sensible à la cause féministe, qui n'hésite plus à pointer du doigt les blagues mysogines ou carrément associées à la rape culture. Même combat avec les revendications des premières nations qui nous ont initié au concept d'appropriation culturelle. Nos perceptions changent. Pour le mieux, espérons-le.