La littérature québécoise se taille peu à peu une place de choix dans l’imaginaire des lecteurs de la province, qui sont graduellement convertis à consommer de la culture bien de chez nous. Les livres québécois sont de plus en plus médiatisés, et quiconque étant à la fois adepte de la STM et du discret art de l’observation sociale à la dérobée vous le dira : on lit beaucoup en autobus et dans le métro, et on lit nos auteurs. Effet d’entraînement, certes, mais c’est justement en parlant de l’offre de nos excellentes maisons d’édition et de l’abondance de talents locaux qu’on retrouve dans nos librairies que le phénomène va continuer à prendre de l’ampleur.
La fêlure de Thomas
Hugues Corriveau
Druide
Il s’agit ici du 33e livre de Hugues Corriveau, qui est loin d’être un nouveau venu, et qui a sa place dans la horde d’auteurs établis ayant leurs habitudes chez Druide. Adaptée d’une nouvelle écrite il y a quelques années, cette élongation d’un récit sur une enfance blessée, thème de prédilection pour Corriveau, raconte l’histoire du jeune Thomas, impliqué malgré lui dans une sordide histoire de hold-up, et qui devra vivre avec les conséquences.
Carole Fréchette, dramaturge
Sous la direction de Gilbert David
Nota Bene
Carole Fréchette a écrit une quinzaine de pièces, traduites dans une vingtaine de langues, en l’espace de trente ans de carrière. Aucune publication ne lui avait jusqu’ici été consacrée, et c’est un affront heureusement rectifié par Nota Bene. Issus d’un colloque ayant lieu il y a une dizaine d’années, les textes d’une vingtaine de collaborateurs se penchent sur différents aspects de son œuvre aussi fascinante qu’avant-gardiste, une voix féminine unique dans un paysage théâtral souvent dominé par les hommes.
La Scouine
Gabriel Marcoux-Chabot
La Peuplade
Les remakes sont populaires au cinéma, mais on en voit beaucoup moins fréquemment surgir en littérature. Pour le 100e anniversaire du roman d’Albert Laberge, Gabriel Marcoux-Chabot – qui nous avait précédemment offert le truculent Tas-d’roches chez Druide, et dont nous avions parlé ici en 2015 – a réécrit l’œuvre à sa façon, et le résultat est une lettre d’amour au roman de la terre, un genre qui vit une renaissance inespérée cette année. Cette heureuse révision est à la fois exercice de style et vive critique de l’étroitesse d’esprit des cultivateurs d’antan.
Une réunion près de la mer
Marie-Claire Blais
Boréal
Voici le 10e volume – et la finale – du cycle romanesque « Soifs », entamer en 1995. C’est l’une des plus ambitieuses entreprises littéraires de notre époque au Québec, qui s’est étalé sur une période de vingt-trois ans. La saga met en scène une vaste galerie d’environ 200 personnages, et les livres sont présentés sous la forme d’un bloc de texte compact, comme si l’histoire nous était racontée d’un seul souffle, dans l’urgence, en une seule phrase. C’est le poids de plus de 50 ans passé à être écrivaine que Blais nous offre ici, le point final d’un projet unique, qui refuse tout compromis et qui invente ses propres règles.
Mme G.
Maxime Beauregard-Martin
L’Instant même
Voilà une très intéressante pièce de théâtre sur Thérèse Drago, célèbre personnage de la ville de Québec ayant longtemps tenu un bar clandestin où des femmes vendaient leurs services aux hommes esseulés. L’auteur et dramaturge l’a rencontré avant sa mort et tisse un habile drame non dépourvu d’humour où il se met aussi en scène, car une tendre amitié est née de cette rencontre. C’est donc à la fois une réflexion sur la création et un petit moment charmant de l’histoire underground de la ville de Québec.
La petite fille en haut de l’escalier
François Gravel
Québec Amérique
Ayant comme point de départ une très épineuse question – devrait-on se sentir obligé d’aimer sa mère? – ce nouveau livre du prolifique François Gravel raconte la vie de sa génitrice, qui a vécu cent ans et qui, selon ce qu’on raconte, n’était pas la plus apte à parler de ses émotions. Comme quoi le silence n’est pas le monopole des hommes.
Maman veut partir
Jonathan Bécotte
Leméac
Après avoir publié chez le même éditeur un très court roman sous forme de poèmes d’une tendresse presque insoutenable, Bécotte récidive avec une ode à sa mère. Toujours écrit en vers, du point de vue du jeune narrateur, il aborde cette fois-ci des thématiques plus sombres et matures, telles que le divorce et le deuil. Le souffle de l’auteur est manifeste; ça n’est pas un livre qu’on peut lire en plusieurs séances, et qui se dévore avec un bel appétit.
À vie
Pierre Ouellet
Druide
Pierre Ouellet a une quarantaine de publications à son actif, et a été deux fois récipiendaire du Prix littéraire du Gouverneur général dans la catégorie « essais ». Conclusion d’une trilogie qu’il a nommé La grande enfance, le roman nous présente cette fois-ci des personnages qui traversent leurs années de jeunesse à bord d’une vieille goélette, comme dans un rêve fantasmé. C’est un exercice littéraire fort ambitieux sur le merveilleux état qui se trouve souvent à l’intersection de la mémoire et de l’imagination.
Reste encore un peu
Perrine Madern
Au Carré
Premier roman de Madern, une libraire amoureuse de littérature, ce roman vous plongera dans les tourments physiques et psychologiques d’une anorexique. C’est un sujet toujours très délicat à aborder, mais l’auteure en a déjà souffert, et est donc très bien placée pour écrire sur le sujet. On se retrouve donc avec une œuvre où les émotions sont vives, et où l’amour et l’amitié salvatrice sont célébrés, avec un ton qui nous immédiatement sympathique.
Les batailles d’internet
Philippe de Grosbois
Écosociété
À qui appartient internet? Est-ce que son utilisation est abordable pour tous les acteurs sociaux, ou est-ce un terrain de jeu pour les géants du web? Dans cet essai très contemporain, l’auteur – qui est aussi professeur de sociologie depuis 2001 – ratisse large, en traitant de la neutralité du web, de surveillance, d’activisme en ligne, de la taxe Netflix et de beaucoup d’autres sujets fort pertinents. Internet est devenu un médium indispensable à notre époque, mais est-ce qu'on ’n connaît bien toutes les facettes? Avec une préface de Jonathan Durand Folco.
Macbeth
Michel Garneau
Somme toute
Les éditions Somme toute ont récemment annoncé qu’ils éditeraient progressivement l’œuvre théâtrale de Michel Garneau, et la première des cinq pièces annoncées en 2018 est sa légendaire traduction de Macbeth, qui date de 1978. Traduit en joual pendant une époque d’optimisme généralisé au Québec, entre l’élection du PQ et le premier référendum, le texte de Shakespeare prend une tournure poétique insoupçonnée, tout en rendant le texte accessible – en quelque sorte – pour tous les Québécois.
Cruelle berceuse
Isabelle Jubinville
Leméac
Même au-delà de l’enfance, la plupart des lecteurs aiment bien déguster un conte, lorsqu’il est présenté de façon originale et qu’il comporte des éléments inusités. Ce premier livre d’Isabelle Jubinville, qui a elle aussi longtemps été libraire, prend la forme d’une berceuse racontée à un enfant, dans laquelle un personnage nommé Tod est tourmenté par des femmes monstrueuses. Une fable moderne, et majestueusement racontée.
Darlène
Noémie D. Leclerc
Québec Amérique
Premier roman de Noémie D. Leclerc, cette œuvre est accompagnée d’un album de musique composé par nul autre qu’Hubert Lenoir, qui est aussi chanteur pour le groupe montréalais The Seasons, et qui partage la vie de l’auteure. Un projet de couple, donc, qui propose une expérience sur plusieurs niveaux, car un film est aussi en route. Le roman parle d’une jeune fille un peu spéciale, qui habite un quartier malfamé de Québec, et qui cherche à s’en sortir.